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Week-End
raquettes dans le Vercors - Janvier 2005
Vendredi
28
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Le
refuge de Gève
Autrans
est tapi au milieu d’un plateau cerné par une crête
continue de moyenne hauteur (600 m de dénivelé
environ). La contrée est couverte de neige et baignée
par le soleil lorsque les randonneurs arrivent sur le plateau
de Gève, un peu plus haut. Encore dix minutes de raquettes
et nous nous retrouvons dans un autre monde : le refuge de Gève
!
Quatre
jours de pleine nature hivernale nous attendent !
Le
refuge est une ancienne ferme aménagée : la cuisine
et les salles à manger, avec une cheminée commune
à la place de l’étable; au grenier un immense
dortoir (le frigo) pouvant abriter ( !) une vingtaine de randonneurs
d’un stoïcisme à toute épreuve. Il
n’y a aucun chauffage si ce n’est le conduit de
cheminée qui traverse le bâtiment ! Un wc sec biologique
prototype est accolé au dortoir, il fonctionne par oxygénation
lente et disparition des germes par concurrence bactérienne
! L’odeur est encore au stade expérimental.
La
salle hors-sac nous donne un toit pour saucissonner à
l’abri. Il est temps de commencer une petite randonnée
de mise en jambes. Un chemin sur la droite du refuge s’enfonce
sous les sapins lourds de neige. Il monte doucement et croise
quelques pistes de fondeurs. Tout est blanc, même l’air
que l’on respire. Tout est immense. Mais ?! Quel est ce
bruit ?
Cri Cri cricricri cricricri et encore Cri cri cricricri ! C’est
le crissement des raquettes qui se suivent, qui nous suivent,
que nous suivons. Et soudain, un bruit de soie que l’on
déchire : Frifri frifrifri friiiiiii, c’est un
fondeur qui dérape joliment.
Le grand silence blanc, c’est quoi cela ?
Alain
(le second, pas le chef !) me montre de fines traces dans la
neige qui convergent vers un tronc de sapin : un ou plusieurs
écureuils sans doute .
Le jour insensiblement tombe, le froid descend, et nous rentrons
au refuge. C’est le dos à la cheminée que
nous discutons de la rando du lendemain.
Le
cuisinier est génial !
Tartiflette (d’énormes fromages fondus sur des
pommes de terre)
Jambon fumé et salade
Pommes cuites à la confiture de myrtilles
Grâce à lui la nuit au frigo sera tout à
fait acceptable.
Non ! Je ne suis pas d’accord ! Tous ces ronfleurs, ces
lumières m’empêchent de dormir !
Ces ronfleurs ? Qui donc ?
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Samedi
29 |
Le
bec d’Orient
Le petit déjeuner
vite avalé, les thermos remplis, les randonneurs vont
enfiler leurs raquettes. Tous sont impatients d’entamer
cette première rando vers le Bec d’Orient, au Nord-Ouest.
Il doit y avoir une vue superbe sur la vallée de l’Isère.
On monte la piste de
fond bien sur la droite pour éviter les fondeurs qui
peuvent déboucher à l’improviste. Cri Cri
cricricri. L’air est enivrant de blancheur, de fins cristaux
tombent délicatement sur les moufles, les bonnets ou
les cheveux.
Etoile des neiges ! Mon
cœur amoureux s’est pris au piège de tes grands
yeux … Chantent en chœur les randonneurs.
Le Vercors est un plateau
calcaire en contrefort des Alpes. Il y a 200 millions d’années,
il était sous la mer et s’est soulevé lors
de la formation du massif alpin. C’est un étage
géologique dit Urgonien qui, en remontant, a amené
avec lui des coraux fossilisés. Quelques uns de ces coraux
apparaissent dans les failles émergeant de la neige.
C’est Catherine la géologue, puits de science,
qui nous apprend tout cela.
Où est la piste
du Bec d’Orient ? On passe les lieux-dits le Cyclone,
Gros-Jean, et maintenant ? Le panneau indique La Molière
! Mince, on s’est égarés. Il faut faire
demi-tour .
Un peu de technique :
Eric dit : Il faut que tu avances avec les bâtons en avant
!
Catherine renchérit : ça fait travailler les épaules
!
Et Dominique M ajoute plus tard : il faut faire de grands pas
lents et rester droit, le cœur doit suivre !
Nous saucissonnons au
bord d’une piste, nous sommes perplexes : où est
le Bec d’Orient?
Les randonneurs prennent
plusieurs pistes, même quelques directions aventureuses
dans la neige vierge. Puis prennent une montée vers la
crête, en se faufilant à travers les broussailles.
Une brève trouée nous fait entrevoir la vallée
recherchée noyée dans la brume. La piste du Bec
d’Orient est encore perdue.
Non loin de là
un monument est dressé, solitaire, enfoui sous les congères.
Les randonneurs le déblaient curieux de découvrir
ce que dit l’Avion : Le 2 février 1944 un Lancaster
de la RAF, pris dans une tempête de neige au cours d’un
largage d’armes aux maquisards, s’écrase
avec ses 7 occupants. Les maquisards du C3 (le camp du Vercors)
vont récupérer les corps à ski et les cacheront
dans une grotte. A la Libération ils seront enterrés
au cimetière d’Autrans.
Et le Bec d’Orient
? Tant pis, il faut retourner au refuge.
Le soir à la cheminée
les randonneurs ont tout le loisir de discuter de la journée
et de préparer la rando du lendemain.
Quoique
le menu du génial cuisinier soit très consistant
:
Soupe de pois cassés avec pain grillé et fromage
Gratin de crozets
Tarte aux myrtilles
Ce n’est pas lui qui nous réchauffera autant. C’est
la fièvre du samedi soir, le dortoir est plein comme
un œuf ! On va se tenir bien serrés !
Mais avant, Alain l’astronome nous emmène au pays
des étoiles : Orion, la Grosse Ourse et l’Etoile
Polaire sont de la partie.
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Dimanche
30 |
Les
crêtes de la Sure
Ce
matin le ciel est fabuleux, la lune suspend son vol au dessus
des sapins, tandis que le soleil dore leur cime. Les randonneurs
prennent la piste à droite du refuge, vers La Molière.
En raquettes ont met une fois et demi plus de temps qu’en
randonnée pédestre. Dit catherine.
La Molière est trop loin, on va juste avant à
la Sure.
Cri Cri cricricri cricricri ! Fri Fri frifrifri friiiiiii !
C’est encore une piste de fondeurs, gardons notre droite
! Les fondeurs surgissent très vite dans les descentes.
Les randonneurs, l’oreille aux aguets réagissent
aussi rapidement au moindre frifrifri !
Les sapins étendent leurs branches lourdes de neige dans
un ciel d’un bleu dur devant tant de blancheur.
Nous
bifurquons bientôt pour une piste qui serpente vers la
crête nord-est, la neige est vierge, c’est une vraie
piste de raquetteurs ! Et soudain, de l’ultime bord de
la crête surgit la splendide chaîne des Alpes. Le
massif émerge au dessus d’une mer de nuages, laiteuse
et translucide. En bas c’est la vallée de l’Isère
et Grenoble.
Là c’est le Mont Blanc sur le versant italien,
dit Catherine en montrant une masse pierreuse striée
de veinules blanches. Assurément une autre perspective
du Mont.
Et là c’est la Meije, plus à droite encore,
dit Dominique M, montrant un triangle grisâtre.
Le vent balaye le champ de neige de la crête, l’air
pur nous rend plus légers. Il faut longer la crête
et traverser le champ tout en admirant la chaîne des Alpes
qui nous émerveille.
Plus
loin encore nous retrouvons la piste de fondeurs qui mène
aux télésièges d’Autrans. Les raquetteurs
se retrouvent encore une fois dans un autre monde : Surfeurs,
skieurs alpins, fondeurs ! Quels bruits et quelle foule mes
amis !
Le
soir au traditionnel ‘conseil’ au coin du feu, Alain
l’astronome nous offre une Clairette de Die, c’est
sympa non ?
Le
cuisinier aussi fait ce qu’i l peut pour nous réchauffer
:
Choux farcis avec boulgour et gratin de potiron
Biscuit aux fruits de l’hiver
Le
dortoir parait encore plus vaste, il n’y a que deux autres
randonneurs avec nous cette fois-ci ! Mais le frigo ne nous
aura pas car on est aguerris !
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Lundi
31 |
Retour
à Autrans
Nous
sommes vraiment chanceux car un soleil magnifique se lève
sur le refuge de Gève, les cretes sont légèrement
brumeuses. Les raquetteurs reprennent le chemin montant vers
la bifurcation de la grotte de la Ture. C’est une vraie
piste de raquetteurs. Pas de feulement de skieurs de fond !
Rien que le cricri des raquettes.
Les
sacs à dos sont pleins à craquer, cette fois-ci
il n’y a pas de retour au refuge. Le poids de chacun doit
avoisiner les 100kgs. En tous cas Dominique deuxième
qui me suit, me dit que je m’enfonce drôlement.
Sans doute, mais les autres aussi !
Nous revoilà dans la blancheur totale ! Lorsque nous
descendons vers la grotte de la Ture, la brume laiteuse s’effiloche
devant les assauts des rayons de soleil. Des filets dorés
viennent zébrer les amas de neige, la piste, les sapins.
La
proximité d’Autrans se fait sentir. Allez ! Le
dernier bivouac ! Pour l’occasion voici le menu typique
des raquetteurs :
Minute soupe (l’eau chaude trimbalée ça
sert à ça !)
Saucisson (saucissonner c’est bien le mot employé)
Jambon
Fromage
Danette, fruits, café et thé !
Revoilà la civilisation, dis-je à Catherine, en
montrant les premiers barbelés des prairies clôturées
annonciatrices des villages.
Nous arrivons à garder nos raquettes en nous faufilant
par les champs, entre les maisons et jusqu’à une
piste qui s’enfonce au cœur d’Autrans. A l’orée
du village il faut bien nous déchausser et retrouver
la sensation bizarre des pas du randonneur ordinaire !
Le
cimetière d’Autrans est juste devant nous ! Il
y a une plaque du Commonwealth apposée à l’entrée.
Nous cherchons parmi les tombes dans la neige. Dans une allée
discrète les voici : les sept du Lancaster ramenés
par les maquisards du C3. Cinq Anglais et deux Canadiens, de
19 à 21 ans, sacrifiés pour notre Liberté.
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