Ultreïa
! (long chemin !) par la voie Podiensis
Voici
le carnet de route du chemin qu’Isabelle et Alain ont suivi
au mois d’avril de l’an de grâce 2008.
Ce chemin et quel chemin? Celui qui nous mène à Saint-Jacques
de Compostelle? Certainement, mais pas seulement car c’est avant
tout celui de nos vies avec tout ce que cela comprend. Ce chemin est
à son image avec ses joies : les rencontres et les lieux fréquentés
; avec ses peines : les difficultés de la route et le poids
du sac. Ce chemin nous fait redécouvrir notre existence dans
sa plus grande authenticité. Il nous permet de retrouver des
valeurs simples comme la solidarité, l’humilité…
Chemin spirituel et historique fait de rencontres inoubliables, fait
de moments difficiles, de moments de grâce..
Ce n’est pas un chemin comme les autres, mais une démarche
personnelle qui se vit plus qu’elle ne se raconte….
Lundi 21 avril
Ce
matin nous quittons notre vie quotidienne pour cette aventure pédestre
et idéologique, arrivée à Clermont il y a déjà
quelques pèlerins sur le quai qui attendent la correspondance
pour Le Puy.
Le car nous dépose devant la gare, il est 6h du soir. Nous
allons remonter toute la vielle ville jusqu’au gîte St
François qui se trouve derrière la cathédrale.
C’est une ancienne maison bourgeoise qui fût transformée
en maison religieuse, l’accueil est sympathique et notre chambre
spacieuse. De la fenêtre nous avons un très joli panorama
sur la vieille ville.
Après un repas de fête dans un beau resto de la ville,
la nuit sera réparatrice avant le grand départ demain
matin.
Mardi 22 Avril
: Le Puy en Velay – Saint Christophe sur Dolaizon
Nous nous levons à
6h, le jour pointe son nez derrière les tours de la cathédrale.
Petit déjeuner en compagnie d’autres pèlerins
qui, comme nous, commencent leur première journée de
ce chemin qui est si long. Nous échangeons quelques paroles
:
« vous allez jusqu’où ?, vous venez d’où
?, …. ».
Au Puy en Velay, avant de prendre le chemin, il est de tradition d’aller
à la bénédiction des pèlerins à
7h à la Cathédrale Notre Dame du Puy, sanctuaire marial
dont les origines remontent au Vème siècle.
Dans la nef, nous prenons place parmi ceux que nous avons vu ce matin
et ceux du train ou du car qui nous a amené ici, dans cette
ville pleine d’histoire du passé.
Les pèlerins à peine réveillés se lèvent
et se rassoient au rythme de l’office, peut-être croiserons
nous notre voisin sur le chemin.. L’office terminé, le
prêtre réunit tous les participants autour de la statue
de Saint Jacques. Chacun va se présenter et dire d’où
il vient, jusqu’où il va ; nous sommes surpris de voir
le nombre de marcheurs qui iront jusqu’à Compostelle.
Certains viennent de loin : Brésil, Chine, d’autres sont
partis à pied de chez eux et ont de ce fait déjà
marché un, deux ou trois mois !..
Chacun reçoit une médaille de la vierge du Puy, que
cette médaille nous porte bonheur le long du chemin. Nous allons
chercher nos créanciales à la sacristie, c’est
un document remis par une autorité religieuse que nous ferons
tamponner chaque jour à notre étape ; elle nous permettra
lors de notre arrivée à St Jacques de Compostelle d’obtenir
la fameuse Compostella (document officialisant le pèlerinage).
Avant de partir, nous demandons à une sœur la possibilité
de visiter la cathédrale du Puy… pas une visite touristique
mais une visite spirituelle. Nous nous imprégnons de l’histoire
que représente ce lieu et de ce chemin qui nous mènera
au champ des étoiles (Compostelle). Après quelques moments
passés dans le cloître, nous nous retrouvons en haut
de marches, et là c’est vraiment impressionnant ! Je
me rends compte que je ne suis pas parti pour une randonnée
itinérante comme j’ai l’habitude de faire mais
pour un chemin de partage, un chemin spirituel, un chemin qui est
emprunté depuis des siècles. Depuis que Godescalc, évêque
du Puy-en-Velay, en 950 ou 951 s’est rendu à Saint-Jacques-de-Compostelle,
et a créé ce qui devait devenir une route de pèlerinage
au Moyen Âge.
Nous voici parti sur ce chemin, nous traversons le Puy par la rue
principale, un vieux monsieur sur un trottoir nous dit « Ultreïa
» (long chemin), nous sommes heureux et bien à la fois.
Nous quittons le Puy par des rues qui montent sur un plateau, en nous
retournant superbe panorama sur la ville, la cathédrale, les
toits…
Le chemin est bien balisé, même de trop par endroit,
c’est impossible de se perdre.. guides, cartes etc., ne servent
à rien..
Cet après-midi nous rencontrons un couple vu ce matin à
la cérémonie, nous ne les reverrons plus. Le chemin
est assez court aujourd’hui, histoire de se mettre en jambe
pour les jours suivant. Nous arrivons assez tôt à Saint
Christophe sur Dolaizon, le gîte tenu par Mme Allègre
est très bien et spacieux. Nous avons une chambre pour nous
deux et profitons de l’après-midi pour se reposer ; le
soir délicieux repas avec les produits de la ferme.
Extinction des feux de bonne heure car demain sera une autre histoire.
Mercredi 23 Avril
: Saint Christophe sur Dolaizon – Monistrol d’Allier
Nous
nous levons vers 7h30 pour partir vers 9h, petit déjeuner copieux.
Cette halte fût vraiment bien de par l’accueil, le logis
et la table. Après avoir fait tamponner nos créanciales
nous reprenons le chemin qui n’est pas difficile ce matin car
peu de dénivelé jusqu’au village de Montbonnet
où nous croisons une très jolie chapelle (Saint Roch),
petite chapelle de style roman ouverte aux pèlerins, j’écris
un message sur le livre d’or histoire de laisser trace de notre
passage.
Le chemin de Saint Jacques est parsemé de chapelles ouvertes
aux pèlerins et de calvaire, il est de tradition de déposer
une pierre devant chaque calvaire au pied de la croix. Ce que je fis
en pensant à ma nièce Clara qui se battait contre la
maladie.
Très longue descente jusqu’à Saint Privas d’Allier
où nous montons par les anciennes rues du village pour visiter
l’église. Sur le livre d’or j’y inscris :
« Ici nous avons fait une halte sur le chemin des étoiles
». Nous rencontrons une famille avec deux enfants qui n’ont
pas 10 ans, ils font un bout du chemin en faisant des petites étapes.
Le chemin descend très raide entre rochers et cailloux pour
nous amener à Monistrol d’Allier le terme de cette étape.
Le village est très encaissé et assez sombre car le
soleil a du mal à atteindre les rues du village.
Le gîte est très agréable, nous rencontrons d’autres
pèlerins et racontons nos histoires de pèlerins. Le
dîner est pris en commun, moment de partage… Deux dames
d’un certain âge iront jusqu’à Saint Jacques
en prenant le temps qu’il faudra pour atteindre leur but. Il
y a un Allemand avec qui nous parlons un peu en anglais, tous les
ans (c’est la quatrième fois), il prend des vacances
prolongées pour faire Saint Jacques.
J’ai découvert que la majorité des gens qui font
ce chemin ne randonnent pas le reste de l’année, ils
ne marchent que pour Saint Jacques. C’est étonnant car
sans entraînement ou très peu le corps humain s’adapte
très vite aux situations où il se trouve.
Nuit en dortoir avec des ronfleurs, mais nous sommes tellement fatigués
que cela ne nous gêne pas.
Jeudi 24 Avril : Monistrol d’Allier – Le Falzet
Ce matin lever tôt
car le chemin est assez long pour nous amener au terme de l’étape
du jour. Petit déjeuner avec le groupe de la veille puis tout
le monde part en espérant se revoir peut-être un jour
sur ce chemin, moi je ne pense pas car ce sont de grands marcheurs
et leurs étapes sont beaucoup plus longues que les nôtres.
Après quelques courses pour ce midi, nous quittons ce village
sans trop de remord car un peu triste et gris de par les maisons mais
aussi l’atmosphère ambiante. Cette journée sera
la plus difficile de notre périple car très longue avec
beaucoup de dénivelé. D’ailleurs nous commençons
par une montée très raide sur 500 mètres ; à
mi-chemin de la côte il y a une chapelle accolée au rocher,
étrange elle est fermée.
Nous sommes sur le plateau du Gévaudan, les forêts sont
sombres et nous imaginons voir sortir la bête derrière
chaque futaie.. Je continue à poser une pierre à chaque
calvaire en espérant que mes prières seront exhaussées.
Car nous sommes valides et en pleine santé et je pense souvent
à mes proches malades où plus en condition physique
et qui aimeraient être tellement à notre place..
Isabelle et moi marchons souvent loin l’un de l’autre,
cela nous permet de méditer, de penser à l’avenir,
à nous, aux autres… ceux que nous avons laissés
en partant.
Peu après Saugues nous sommes doublés par un type que
nous avons vu hier soir au gîte, quelques mots échangés
et le voilà parti devant nous.
Encore une dizaine de kilomètres sur un plateau parsemé
de sapins avant d’arriver au gîte du Falzet. La patronne,
Mme Delcros, est une femme très accueillante et son gîte
est vraiment bien, situé au milieu d’un paysage magnifique
et dans l’enceinte d’un ancienne ferme toujours en activité.
Il y a une grande salle commune, une salle de bain et plusieurs chambres.
Autour de la table nous faisons connaissance, chacun raconte ses histoires
de pèlerins. Ce soir autour de la table, il y a une jeune femme
chinoise qui vit à Pékin et qui fait ses études
d’art plastique en France ; elle n’est pas chrétienne
mais bouddhiste, elle est attirée par ce chemin de par son
côté mythique. Nous retrouvons, également, une
femme que nous avions vu le premier matin au Puy en Velay. Soirée
chaleureuse et joyeuse autour d’un bon repas fait à partir
des produits de la ferme de Mm Delcros.
Vendredi 25
Avril : Le Falzet - Saint Alban de Limagnole
Levé tôt
car encore une longue journée mais moins difficile que celle
d’hier. Après un copieux petit déjeuner, nous
quittons ce gîte sans oublier de dire au revoir à la
patronne. Nous voici de nouveau sur ce chemin avec le soleil qui sera
avec nous toute la journée. Encore une montée qui nous
amène à 1300 mètres sur un plateau où
des chevaux courts avec leurs petits dans une prairie d’un vert
éclatant parsemé de fleurs bleues et jaunes. Au milieu
de cette prairie il y a une petite maison de pierres (un buron), une
rivière coule à ses côtés. C’est
vraiment un endroit où s’arrêter et rêver,
qu’elle est belle cette nature. Surtout ne pas y toucher que
l’on puisse encore et encore voir de si beau paysage !
Tout au bout de ce plateau il y a une ancienne domerie, ces bâtiments
étaient utilisés au moyen-âge comme hospice pour
accueillir les pèlerins malades ou blessés. Aujourd’hui
c’est une immense ferme qui fait également gîte
d’étape pour les pèlerins qui le soir venu peuvent
faire une halte ici.
Nous continuons notre chemin et passons devant un oratoire (Saint
Roch) en mémoire d’un hospitalet datant du moyen-âge,
c’est dans des moments comme celui-ci que nous réalisons
que des millions de marcheurs depuis la nuit des temps ont parcouru
ces chemins que nous parcourrons aujourd’hui.
Ce soir nous faisons halte dans un hôtel qui fait également
gîte mais nous demandons une chambre pour passer une bonne nuit
car les dortoirs c’est bien mais un peu brillant et le sommeil
pas tout à fait réparateur.
Ce soir au dîner nous nous installons avec des pèlerins
que nous n’avons jamais vus. Il y en a un qui transporte un
masque à oxygène dans son sac car il a des problèmes
de respiration, un autre qui fait le chemin pour changer de vie car
il a perdu son épouse il y a peu de temps.
La jeune femme chinoise, Yu, nous l’avons rencontrée
aujourd’hui. Son parcours est vraiment curieux, elle ne prend
pas de photos mais lorsque le paysage lui plait elle s’arrête
prend ses crayons et dessine ce qu’elle voit..
Le chemin de Saint Jacques, c’est aussi cela : le brassage de
différentes personnes, de différentes motivations.
Samedi 26 Avril
: Saint Alban de Limagnole – Aumont-Aubrac
Après
une grasse matinée et un copieux petit déjeuner, nous
partons sous un soleil radieux pour 14 kilomètres… journée
de repos !
Sur le chemin nous rencontrons un couple croisé quelques jours
avant, nous échangeons quelques mots. Nous sommes sur les plateaux
de l’Aubrac, le paysage est superbe, de grandes étendues
désertiques parsemées de pins à flan de vallon.
Nous rencontrons un couple parti de chez eux dans le Haut Doubs, déjà
700km à pied et un mois de marche, ils ont encore deux mois
devant eux… nous faisons quelques pas avec eux puis marchant
plus vite, les voilà partis devant nous.
Vers 16h nous arrivons à la ferme de Barry, à l’entrée
de Aumont-Aubrac, joli bâtiment en pierre de pays.
Ce soir soirée d’exception autour d’un repas de
fête : aligot, côte d’agneau et gâteau aux
pruneaux. Cadre magnifique et ambiance festive. Joyeux repas en compagnie
d’un monsieur et son neveu avec qui nous parlons beaucoup, à
notre table il y a aussi deux belges qui font le chemin pour la cinquième
fois ! Faire ce chemin une fois, donne peut-être envie de la
faire une nouvelle fois, et encore…
Cela fait cinq jours que nous sommes partis, nous avons prévu
de nous arrêter à Conques dans six jours et je commence
à vouloir continuer…
Demain, une autre journée : marche, pose repas, méditation,
gîte, repas en commun, … c’est tellement simple
que c’est formidable.. Nous avons besoin de cela, de cette simplicité
à notre époque pour se débrancher de la vie moderne
et se retrouver.
Bon, c’est l’heure d’aller dormir, à demain
!
Dimanche 27
Avril : Aumont-Aubrac – Prinsuéjols (fermes des Gentianes)
Après le petit
déjeuner copieux (oranges, confitures maison, pain grillé,…)
pris en compagnie des autres personnes du gîte, Vincent le patron
du gîte nous souhaite bon chemin.
Après la visite traditionnelle de l’église du
village, nous reprenons le chemin. Nous traversons un très
joli village et près de son église nous retrouvons Antoine
et Frédéric ainsi que Bernadette que nous avions rencontrés
au gîte du Falzet, il y a quelques jours.. Nous allons faire
un bout de chemin ensemble. Frédéric à mal aux
genoux depuis quelques jours, Isabelle va lui prêter ses bâtons
pour la soulager un peu et lui permettre de continuer le chemin, nous
les retrouverons à Conques à l’auberge Saint Jacques
au terme de notre périple.
Pour déjeuner nous nous arrêtons sur les hauts plateaux
de l’Aubrac, Le paysage est à couper le souffle, immense
étendue désertique vallonnée parsemée
de sapins.
Le vent se lève et souffle de plus en plus fort, espérons
qu’il ne nous emmènera pas la pluie…
Ce soir faisons halte à la ferme des gentianes, maisons isolées
sur le plateau de l’Aubrac. Il est tôt et la maison est
fermée, nous allons attendre et faire une sieste méritée
sur la pelouse près de la maison. Quel calme, il n’y
a que le vent, les oiseaux et nous.. mais bon… vivre ici ce
n’est pas tous les jours facile et surtout ce n’est pas
notre vie.
Ce soir repas sympa entre pèlerins et touristes sans plus.
La nuit venue, la pluie commence à tomber et tombera toute
la nuit, demain il va falloir sortir les affaires de pluie…
dommage car la journée et essentiellement sur les hauts plateaux…
se sera un autre jour.
Lundi 28 Avril
: Prinsuéjols (fermes des Gentianes) - Aubrac
Ce matin au petit déjeuner
nous rencontrons des Suisses qui font ce chemin par petites étapes
au rythme de leurs pas, il y a également deux néerlandais
qui vont jusqu’à Conques ou Cahors. Les Suisses nous
parlent beaucoup de l’Angleterre et de l’Ecosse (un pays
où j’aimerai bien aller marcher) où ils ont souvent
randonné.
Nous n’avons pas franchi la porte pour sortir qu’il commence
déjà à pleuvoir, il faut sortir des sacs les
tenues imperméables, cela va alléger le sac mais bon,
c’est mieux quand il fait beau.
Nous traversons une région entièrement désertique
qui dans quelques semaines sera envahie par les vaches, de race «
Aubrac » celles qui ont les yeux maquillés. Pas un arbre,
pas un bosquet, pas un abri quelconque pour se mettre à l’abri
et il pleut de plus en plus fort sans compter des coups de tonnerre
au loin.. La grêle remplace la pluie et le vent nous cingle
le visage, il est de plus en plus difficile d’avancer dans la
tempête et toujours pas d’abri ; la seule solution est
d’avancer.. Enfin ! un village : Nasbinals, perdu sur ce plateau.
Nous visitons son église de style roman, sans oublier de laisser
trace de notre passage sur le livre d’or et allons dans une
auberge nous réchauffer devant un café.
La pluie s’arrête, nous en profitons pour repartir mais
quelques kilomètres plus loin quelques gouttes commencent à
mouiller mon anorak, la pluie redouble d’intensité et
nous accompagnera jusqu’au au terme de l’étape
à Aubrac. Mais avant, il faut franchir un col à 1400
mètres sous la pluie et dans les nuages, pas de visibilité
à plus de 10 mètres… Sur ce plateau il y a une
stèle, la phrase suivante y est écrite : « Dans
le silence et la solitude, on entend plus que l’essentiel »
Vers 14h30, entièrement trempés nous arrivons au gîte,
c’est une ancienne maison de vacances qui devait recevoir au
moins une centaine de vacanciers l’été. Couloir
immense, salle démesurée pour nous qui sommes seuls..
Nous trouvons quelqu’un dans ce dédale de pièces
pour nous montrer notre chambre. Grande chambre en mezzanine avec
salon et cuisinette au rez-de-chaussée, ce soir nous ferons
notre cuisine mais irons dans la grande salle à manger, en
réalité nous avons cette maison pour nous tout seuls….
C’est étrange l’atmosphère qui règne
dans ce lieu.
Il faut tout sécher, il y a du linge étendu un peu partout
dans la pièce. Cet après-midi farniente, nous trouvons
dans la cuisine des sachets de tisane, nous avons des restes de gâteau,
il y a des bougies.. avec tout cela on se fait un quatre heure royal,
histoire de se remonter un peu le moral.
Ce soir au dîner nous allons faire la connaissance de Natacha
et Martins, deux hollandais. Ils sont tous les deux protestants et
font le chemin pour histoire culturelle, lui est pasteur à
Amsterdam. Nous passons une agréable soirée à
parler de nos pays respectifs et des motivations qui nous ont poussées
dans cette aventure.
En sortant pour retourner dans nos chambres, la nuit est tombée,
quelques étoiles dans le ciel brillent mais le froid est arrivé,
s’il devait pleuvoir de nouveau la neige prendra le relais ;
on verra demain matin.
Mardi 29 Avril
: Aubrac – Saint Côme d’Olt
Ce matin levé
de bonne heure car nous avons beaucoup
de kilomètres à faire aujourd’hui, je tire les
rideaux pour voir le ciel et là quelle surprise… il a
neigé cette nuit, quelques centimètre recouvrent le
paysage que nous avons du mal à apercevoir car un épais
brouillard envahi tout autour de nous. En temps normal avec un temps
pareil nous nous recouchons mais là nous devons partir, après
le petit déjeuner avec les Hollandais nous reprenons notre
chemin dans le froid et le brouillard.
Au loin nous imaginons le village d’Aubrac avec ses huit habitants,
perdu sur ce plateau à plus de mille mètres d’altitude,
il faut être né ici pour y vivre !
Des ombres gigantesques émergent de cette mer de nuages, ce
sont la domerie et la tour dite des « Anglais » . Ensemble
majestueux mais très mystérieux dans ce paysage, on
imagine au moyen-âge la cloche de la tour sonner en permanence
par mauvais temps pour les pèlerins égarés..
.
Dans la domerie il y a une belle exposition concernant le chemin de
Saint Jacques, nous allons la visiter ; cela nous permet de nous réchauffer
un peu.
Aujourd’hui nous allons passer de 1300 mètres de hauteur
à 300 mètres, soit une très grande descente qui
nous fera passer de l’hiver à l’été.
Ici, les arbres ont encore leurs habits d’hiver, plus bas c’est
le printemps avec les fleurs, les arbres en feuilles, les prairies
vertes où les troupeaux de vaches qui broutent.
La descente est agréable et le brouillard se dissipe pour laisser
quelques taches de ciel bleu dans le ciel, la journée sera
comme la descente agréable mais longue.
Nous allons traverser plusieurs villages avec des églises plus
belles les unes des autres, avec des régistres où nous
laissons trace de notre passage, avec des clavaires où je dépose
toujours ma pierre.
Dans un village, au tournant d’une rue, il y a un abri aménagé
avec une table, et sur cette table des thermos de thé, café,
avec sucre, petits gâteaux…. Tout cela pour le pèlerin
de passage, il suffit de se servir et de laisser une pièce.
En chemin nous rattrapons Natacha et faisons un bout de chemin avec
elle.
En fin d’après-midi nous arrivons à Saint Côme,
village médiéval avec ses anciennes maisons accolées
les unes aux autres, avec son église remarquable de part son
clocher en vrille, unique en France.
Nous sommes accueillis par Bernadette qui est arrivée avant
nous mais qui n’est pas dans le même gîte, nous
nous faisons la bise, nous sommes contents de se retrouver, nous nous
racontons nos histoires des jours précédents. Bernadette
nous accompagne jusqu’au gîte, c’est une chambre
d’hôte banale avec un accueil indigne sur ce chemin…
mais bon cela fait parti du voyage avec ses hauts et ses bas…
Ce soir au gîte nous retrouvons les Suisses de la veille, ils
s’arrêtent ici. Repas banal mais qui nous permet de discuter
avec les gens autour de la table.
Anecdote : nous avons rencontré, plutôt nous avons vu
les traces laissées un peu partout sur le chemin par un couple
qui vient de l’Oregon ; ils tracent dans la terre leurs prénoms
ou la ville d’où ils viennent !
Il y a également un couple d’un certain âge qui
vient à pied de Bretagne ! Avec tente, matelas, réchaud,
en parfaite autonomie.
Mercredi 30 Avril
: Saint Côme d’Olt - Estaing
Ce
matin après un petit déjeuner banal, pas de rencontre
à se souvenir dans ce gîte, nous partons et visitons
l’église de Saint Côme avant de quitter le village.
Nous traversons le Lot en empruntant un vieux pont puis longeons la
rivière. Il pleut et pour éviter la boue sur le chemin
nous prenons une variante qui longe une route et nous amène
directement à Espalion, le prochain village traversé.
Nous allons faire un petit détour pour voir une église
superbe : l’église romane de Perse. Ancien bâtiment
romain cédé aux moines au XI ième siècle,
église d’une simplicité remarquable mais l’architecture
est exceptionnelle. Nous remarquons également quelques scultures,
intégrées au bâtiment, de toute beauté.
Quelle belle surprise, Bernadette accompagnée d’un pèlerin
que nous avions déjà rencontré (celui qui a des
problèmes de respiration et qui transporte un appareil à
oxygène dans son sac) pénètre dans l’église,
nous allons rester dans ce lieu tous les quatre quelques instants,
le temps de s’imbiber de cette beauté.
Puis reprenons ensemble le chemin jusqu’au village d’Espalion
où nous nous arrêtons déjeuner dans un petit restaurant
de la ville qui ne paye pas de mine mais dont le menu est très
correct.
Ambiance sympathique entre nous quatre, vers 14h nous repartons avec
Bernadette qui passera l’après-midi en notre compagnie.
Le soleil commence à percer les nuages et des coins de ciel
bleu apparaissent. Devant nous un bijou de l’art roman : l’église
de Saint Pierre de Bussuejols. Nous restons longtemps sous le charme
de cette église, nichée dans un petit vallon de verdure
et de douceur. L’intérieur est aussi beau que l’extérieur,
cette église comporte un étage où se situe le
clocher.
Par contre la montée qui précède est très
raide et glissante, il nous faudra un certain temps à glisser
dans la boue du chemin avant d’arriver sur le plateau que nous
traverserons avant l’étape du soir.
L’arrivée sur le village d’Estaing est magique,
village médiéval qui entoure son château situé
sur un éperon rocheux. Nous traversons le pont du Lot puis
le village avant d’arriver à l’hospitalité
Saint Jacques notre étape du soir.
C’est une belle maison, mais c’est surtout la chaleur
humaine, la générosité et le partage qui l’habite
qui nous va droit au cœur. L’accueil est très chaleureux,
à peine rentré nous avons l’impression d’être
chez soi, la maison est tenue par des bénévoles. Les
offices religieux sont proposés mais non imposés, nous
irons à la prière du soir.
Repas convivial dans une grande salle entre hospitaliers et pèlerins,
grand moment de partage.
Bientôt nous arriverons au terme de ce périple et ce
soir dans le dortoir avant de m’endormir, je pense à
nous deux, Isabelle et moi, ce chemin nous a un peu réuni,
ce chemin nous a apporté quelque chose que je ne sais pas encore
identifier mais quelque chose de très positif pour notre couple,
notre histoire, qui ne sera plus pareille après.
Jeudi 1er Mai
: Estaing – Espayrac
Ce
matin lever vers 6h30 pour être prêt pour assister aux
laudes à 7h15, hier soir j’avais déposé
une prière dans un petit coffret, une prière pour ma
nièce Clara, prière qui sera dite ce matin lors de l’office
religieux.
Puis petit déjeuner en famille autour d’une grande table
avec les hospitaliers, Bernadette et d’autres pèlerins
que nous avions déjà rencontrés d’autres
jours.
Autour des confitures maisons l’ambiance est très bon
enfant, familiale et décontractée. On nous suggère
de prendre un autre chemin (le GR6) pour se rendre à l’étape
suivante, nous gagnerions une heure de marche et 3 kilomètres.
La proposition est intéressante et nous allons la suivre, Bernadette
ayant réservé sur le chemin normal va nous quitter ce
matin ; nous espérons vraiment revoir cette femme un jour dans
la région parisienne où chez elle à Agen car
ensemble nous avons vécu un moment court mais très fort.
Après avoir remercier nos hospitaliers de ce chaleureux accueil
nous quittons cette maison avec un pincement au cœur.
Sur le chemin nous retrouvons Natacha accompagnée de François,
un jeune qui paradoxalement n’aime pas marcher mais veut faire
ce chemin et dans son intégralité ! Nous retrouvons
également le couple breton, ceux qui portent leur maison ;
tente, matelas, réchaud, etc.
Pour quitter Estaing nous avons emprunté un chemin assez raide
qui nous conduit sur un plateau, terre d’élevage, que
nous allons suivre toute la journée. Nous passerons alternativement
de prairies d’élevage aux bois très denses et
devrons traverser des rivières parfois à gué.
Le paysage est bucolique à souhait, nous croisons de belles
vaches d’Aubrac mais aussi des Normandes qui ont l’air
de s’ennuyer dans ce paysage qui n’est pas le leur.
Aujourd’hui nous avons décidé de prendre notre
temps en faisant plusieurs pose et une bonne sieste après déjeuner.
Vers 18h nous arrivons à Espayrac, joli village avec ses maisons
anciennes toutes regroupées les unes contre les autres. Ce
soir nous sommes à l’hôtel, le seul du village
; il est correct et bien tenue. Nous dînons avec Natacha qui
n’est pas dans cet hôtel mais dans le gîte communal.
Elle nous parle d’elle, de sa fille, de son mari et de son pays
; diner très convivial et nous nous quittons en sachant que
nous ne nous rencontrerons plus sur ce chemin.
Vendredi 2 Mai : Espayrac – Conques
C’est le dernier
jour de notre périple, nous aurons fait 212 km, marché
11 jours, rencontré des gens formidables ou atypiques, nous
avons découvert de jolis paysages, de beaux villages, des églises
remarquables où nous avons laissé trace de notre passage
sur les livres d’or, j’ai déposé des dizaines
de pierres près des calvaires rencontrés,.. nous avons
vécu un moment unique, un moment fort, nous sommes heureux.
Aujourd’hui il nous reste 12 kilomètres, c’est
une ballade après ce que nous avons fait. Nous avons des ailes,
nous nous sentons léger mais avons le regret de ne pouvoir
continuer et de laisser sur ce chemin tous ces pèlerins que
nous avons rencontrés tous ces jours.
Dans le topo guide, il est indiqué que l’arrivée
sur Conques est majestueuse et nous nous attendons à un panorama
sur le village à couper le souffle… mais il n’y
aura pas de panorama car celui-ci n’est visible qu’en
arrivant par la route ce qui n’est pas notre cas.
Nous voici devant la pancarte : « Conques : 30 mn », nous
touchons au but. Un chemin descend sur le village, les premières
maisons apparaissent derrière les arbres, puis les ruelles.
Ce n’est pas le panorama qui est majestueux, c’est nous
notre arrivée, c’est sûrement cela qu devait dire
le guide car arrivé ici après tant de pas, de sueur
c’est merveilleux.
Conques est un bijou dans une verdure de montagne, j’ai rarement
vu un village aussi beau avec toutes ces anciennes maisons blotties
les unes contre les autres. Nous déjeunons à l’ombre
d’un mur car aujourd’hui il fait très chaud. Puis
allons poser nos sacs dans une auberge pour visiter l’abbatiale,
magnifique construction romane, connue surtout pour son tympan représentant
le jugement dernier. Nous visitons le trésor de Conques où
est exposé le reliquaire de Sainte Foy.
A la sortie de l’église nous sommes envahis par une foule
de touristes et allons nous réfugier dans la librairie d’à
côté pour retrouver le calme.
En fin d’après-midi nous assistons aux vêpres,
ce sera notre dernière prière de cette première
partie de notre chemin vers Saint Jacques de Compostelle.
Il est temps
de partir avec nos souvenirs mais surtout avec l’envie de revenir
bientôt pour continuer le chemin car ce n’est pas nous
qui faisons le chemin mais le chemin qui nous fait