Les randonneurs
dans la vallée de la Vézère
Mercredi 18 octobre
: Le secret du Périgord Noir
Les habitants de Terrasson, les terrassonnais, sont partagés
en deux par la Vézère. La rive droite supporte l’église
monumentale et les restes des anciens châteaux forts. Un vieux
pont de pierre du XIIe siècle est jeté en travers de
la rivière pour la relier à la ville moderne. Quand
les randonneurs traversent la Vézère par le Pont Neuf
ils admirent le vieux pont imperturbable en aval. Le ciel est gris
et un vent coulis se faufile entre les ruelles de la vieille ville.
Les randonneurs cherchent un coin pour casser la croûte. Quelques
gouttes de pluie rendent leurs pas incertains. Où aller ? Où
s’abriter ? Au Jardin Imaginaire ? Il est fermé et il
n’y a aucun abri. Les gens d’ici disent que le Jardin
Imaginaire est enraciné dans le Périgord Noir.
Pourquoi ce Noir ? Tout est si vert ! Et n’en déplaise
le ciel maussade, Terrasson est pleine de charme. La rue de la Halle
serpente, en escalier entre les maisons et les boutiques à
colombages jusqu’à la place du Conventionnel Bouquier.
Un enfant du pays, qui représenta des doléances des
périgourdins en 1789. Il ne s’est jamais remis, parait-il,
de la condamnation de Louis XVI à une voix d’écart.
La place est ceinte de superbes hôtels à pans de bois
ou de pierres blondes, avec des toits aux arêtes vives. Ça
et là des fenêtres à meneaux ou des fenêtres
à doubles battants viennent égayer les façades.
Sur le parapet du chemin de ronde, un reste des anciens remparts en
contrebas du parvis de l’église, on voit les toits de
Terrasson qui dévalent jusque dans la Vézère.
Allons ! Le ciel est clément pour les randonneurs, la pluie
cesse quoiqu’en en traînant les pieds. Nos marcheurs quittent
Terrasson par l’escalier de Bicassou qui passe sous un porche
défensif percé dans les remparts.
Le
chemin est bordé de jardins, de vergers d’où émergent
les pigeonniers caractéristiques des maisons du Périgord.
Ce sont des tourelles carrées à toits pointus, avec
de petites ouvertures percées et alignées sur un rebord
en dessous de la rive du toit. Les vallons autour de la ville sont
des champs de noyers, de figuiers et de néfliers. Le sentier
longe parfois de longs murets de pierres moussues envahies de ronciers
et de mûriers enchevêtrés. On ramasse dans l’herbe
les noix tombées des branches. On brise leur coque en les écrasant
d’un coup de talon. On dégage les cerneaux. Et on croque
l’amère douceur de leur chair. Parfois on recrache vivement
une noix trop fraîche !
Quelques rayons de soleil percent les nuages quand nous pénétrons
dans des sous-bois de jeunes chênes. Peut-être sont-ce
des chênes à croissance contrariée par les pierres
du sol rocheux qui emprisonnent les racines. Leur tronc noir et moussu
se détache distinctement sur le fond gris-vert du feuillage
léger, l’automne qui arrive semble rendre les feuilles
pâlissantes. Lintignac ! C’est ce qu’indique le
panonceau à l’entrée du bourg. On s’est
trompés de chemin ?! La carte semble dire autre chose que ce
que nos godillots reniflent ! C’est juste que le GR est nouvellement
tracé, il n’est pas consigné dans la carte !!
Ce n’est pas grave car les marques rouges et blanches du nouveau
GR sont bien dessinées, on n’a qu’à les
suivre voilà tout !
Dans le joli village de Coly au creux du vallon creusé par
le ruisseau éponyme, les maisons fermières ont de vastes
portes voûtées et des fenêtres à arcades.
Une basse cour populeuse bruisse de cancans, de vas et viens de grosses
oies blanches et grises, de poules et poulets qui picorent les cailloux.
Le chemin herbeux entre les collines au vert sombre monte jusqu’au
plateau de Mortefond. La campagne est parsemée de maisons fraîchement
rebâties, avec souvent une piscine en devanture. Partout des
panneaux indicateurs envoient les promeneurs, les touristes vers un
centre de vacances, un accueil à la ferme, un gîte d’étape.
Le coin rêvé pour ceux qui recherchent un autre air,
un autre climat ou tout simplement une autre vie !
Le gîte de Sylvie est sur la route du Peuch. Le ‘clos’
est une ferme périgourdine perchée au sommet d’une
colline.
L’accueil de Sylvie est chaleureux et sa cuisine généreuse
!
Apéritif de vin blanc à la pamplemousse
Soupe à la courge (Quelle soupe ! Quelle soupière !)
Pâté au foie gras (production de la ferme !)
Poulet de ferme confit et pommes sarladaises aux cèpes
Salade au cabecou (petit chèvre du coin)
Tarte aux pommes
Pichet de la patronne
Le Périgord
Noir dit Sylvie, c’est la couleur du tronc des chênes
qui lui donne son nom.
Des chênes truffiers, renchérit Cathy la perspicace !
Jeudi 19 octobre
: Le couteau de silex
Petit matin splendide à l’horizon du Peuch ! Sylvie nous
accompagne jusqu’à la limite de ses champs. Des vignobles
sont éparpillés dans la vaste plaine. St Amand de Coly
au bas du sentier pentu est flanqué d’une énorme
tour romane fortifiée. Ce sont les restes de l’abbaye
fondée par Amand, un ermite qui trouva refuge dans une grotte
des environs. L’abbaye avait une certaine célébrité
au Moyen Age puisqu’elle était lieu de pèlerinage.
Une coquille St Jacques est encastrée dans le sol dallé
devant le porche de la tour. Où qu’ils passent, les randonneurs
retrouvent dorénavant les traces du Chemin de St Jacques !
Quand les randonneurs se retournent derrière eux, une fois
au sommet de la colline au dessus du hameau, St Amand niché
au fond du vallon luit dans l’éclat naissant du soleil.
Mais peu à peu, au cours du chemin, les nuages noirs s’accumulent.
Un orage est-il annoncé ?! Les nuées menaçantes
se diluent dans le ciel d’une grisaille envahissante. Claudine
agite des feuilles cueillies en bordure du sentier. Sent ! C’est
de la menthe sauvage ! Sa senteur pénètre l’esprit
et le remplit de fraîcheur. Des bories bornent une clairière
à la sortie du bois. Des chênes, des hêtres ou
des frênes sont ancrés sur les versants. Les mystérieuses
tourelles d’un château tout en mâchicoulis émergent
jusqu’au dessus des arbres. C’est le château de
la Filolie. Il nous surveille du coin de l’œil, méfiant
et distant. On grimpe un sentier qui nous éloigne du domaine
impénétrable. Au sommet de la colline des chevaux dans
leur enclos regardent passer placidement les marcheurs.
Le chemin est bordé de châtaigniers, il suffit de se
baisser pour ramasser les fruits. La peau des châtaignes se
déchire d’un coup de dent, ou d’ongle, et on croque
sa chair blanche au goût aigrelet légèrement farineux.
Nous voilà dans la contrée de nos ancêtres de
Cro-Magnon ! Les randonneurs longent les gisements de Regordou et
le Lascaux. Ce sont des enfants de Montignac jouant dans les collines
découvrirent Lascaux en 1940. Les hommes d’alors taillaient
habilement le silex pour en faire leurs outils. Les boutiques de Montignac
vendent des silex taillés ! On en trouve partout du silex !
Où cela ? En voilà un, dit Claudine saisissant une grosse
pierre d’un ocre pâteux. Un silex ! Je le martèle
sur une arête de pierre, il se fend sur un fil invisible. Chemin
faisant, le silex martyrisé devient une lame translucide acérée
!
C’est parfait pour découper finement la peau des châtaignes
sans avoir à se démener ! Voilà un couteau de
Cro-Magnon ! Je le range dans ma poche. Prends garde à ne pas
te couper avec ! En traversant la Vézère par le pont
de Montignac on atteint le chemin des Gardes à flanc de coteau.
Le Périgord s’étale en collines ondulantes. La
Vézère coule paresseusement dans la vallée. Des
volutes de fumée s’échappent des cheminées
des maisons nichées dans la verdure. Au Thot des bisons d’Amérique
et des bisons d’Europe vaquent ou ruminent immobiles, courbés
sous leur bosse massive. On devine le souffle puissant de leurs naseaux.
Un petit cheval dans on enclos nous hèle joyeusement ! Il agite
sa drôle de tête arquée avec sa crinière
en brosse. Il est élégant brun, roux, noir et caramel.
C'’est un cheval de Przewalski. Le petit fils de ceux peints
sur les murs de Lascaux. Il fait le beau, tournoie, se cabre, s’arrête
et secoue sa tête malicieuse. Au revoir petit cheval ! A regret
il nous faut te quitter ! Les randonneurs s’enfoncent dans le
sous-bois humide qui contourne la butte de la Vermondie. Le sentier
boueux se fraie un passage à travers un tapis de fougères
denses. On évite les fondrières et les flaques d’eau
stagnante. Où est le refuge ? C’est Hauteclaire ! Où
donc ? Dans la mer de fougères ? Entendez vous le sifflet ?!
Reviens ! Dit Claudine.
C’est là ! Notre hôte en veste noir surgit des
fougères rieuses. Bonjour, je vous ai trouvés ! L’hôtel
esr facilement accessible de St Léon, mais venant de St Amand
il faut flairer la piste invisible. Notre hôte s’était
perché sur le perron de sa terrasse pour siffler dans la direction
du GR, dans l’espoir de se faire entendre !
Cabecou grillé
sur croissant et lit de salade
Magret de canard au miel et tagliatelles (Sublime ! C’est madame
qui est fine cuisinière !)
Fromage, ou glace à la vanille et aux fruits rouges
Pécharmant (Quel vin mes amis !)
Thomas est mon fils ! Dit note hôte portant un petit garçon
blond sur son bras. Et il nous raconta sa vie dans son hôtel
perché en haut, au dessus de la Vézère. Il y
a toujours des gens qui viennent rechercher une atmosphère
autre. La cheminée rougeoie au fond de la pièce sombre.
Vendredi 20
octobre : Le buisson de chèvrefeuille
Au petit matin Claudine et Cathy sont déjà levées.
Elles sont assises sur le petit muret qui sépare l’allée
de l’hôtel, de la forêt. Pensives. Le ciel est bas
mais dans les nuages il y a de belles trouées bleues. Le bord
des nuages est rose, dit Claudine, c’est annonciateur de pluie
! Ne porte pas malheur ! Les randonneurs regagnent le GR par les fougères
en suivant la piste d’hier soir. Des traces de sabots de chevreuil,
de cerf, se détachent dans les ornières remplies d’eau.
Ce n’est qu’en sortant des bois que l’on retrouve
un beau chemin pierreux qui descend vers la Vézère.
L’église de St Léon sur Vézère se
mire dans un bras presque immobile de la rivière. C’est
une église romane austère et majestueuse. De puissants
contreforts, des murs épais et des voûtes massives ne
cachent pas l’élégance des coupoles dans la nef
et le transept. L’église a récemment été
restaurée, un ravage dû à l’âge vénérable
du bâtiment ? Les architectes de la restauration expliquent
abondamment sur des placards, le symbolisme des bâtisseurs d’antan
qu’ils ont cherché à préserver.
Monsieur Abel habite
une maison à la sortie de St Léon non loin du pont sur
la Vézère. Il s’en retourne justement ayant acheté
son pain. Il cause avec nos randonneuses. En traversant le pont l’église
de St Léon, et aussi le château dont les tourelles apparaissent
en retrait du clocher, agitent leur chapeau pointu ! Hé Ho
! Monsieur Abel raconte que lors de la crue de 1960 le niveau de la
rivière monta jusqu’au tablier du pont ! Mais alors tout
était dans l’eau !? Mais oui ! Bien au dessus du village,
le clocher et les tours émergeaient du village englouti ! Quels
travaux il a fallu pour sauver le village, l’église !
Tous les randonneurs sont ébahis tellement le pont surplombe
le village.
En cheminant, nous
voici sur un plateau, Monsieur Abel toujours causant de la vie des
gens dans le Périgord. Mais il faut le quitter après
La Borie pour pénétrer dans une forêt de chênes.
Le répit était de courte durée ! Le sentier redevient
vite fangeux, même s’il est couvert de feuilles mortes.
La colline monte doucement, elle coupe un méandre de la Vézère
au dessus du Moustier. Les châtaignes, les noix abondent tout
au long. Quel pays ! Il n’y a qu’à se baisser !
Faire craquer les noix ! Découper les châtaignes avec
le couteau de silex ! En voulez vous les filles ?! On longe des falaises,
il y a des grottes béantes, des abris de Cro-Magnon encore
?!
C’est la cité troglodytique de la Roque St Christophe.
Le sentier gagne une route qui serpente sous les avancées de
la falaise. La pluie commence à tomber. Où se réfugier
? Juste pour casser la croûte. Il n’y a pas d’abris
dans le Moustier. Si ! Il y a l’abri préhistorique, mais
c’est maintenant un monument historique ! Ah que l’on
voudrait redevenir des cromagnons, des cromagnonnes ! Allez on sort
les protections de sacs, les capes de pluie ! Les randonneurs avertis
doivent s’attendre à être confrontés à
toutes les situations qu’offre la Nature ! Pique niquer sous
la pluie par exemple. Il existe une sorte de ‘happy hours’,
bref moment où l’on peut se réfugier sous les
branches des arbres dans le bas côté des sentiers, alors
que la pluie n’a pas encore saturé les feuilles. On pique
nique tranquillement, quoiqu’un peu aux aguets ! Quelques minutes
plus tard, les innocentes gouttes deviennent insistantes et pénétrantes.
La pluie tombe derechef ! Remballons tout et allons y ! Pauvres randonneurs
que nous sommes ! Courant nous abriter sous les rares préaux
des villages traversés ! Marchant stoïquement dans les
chemins détrempés en courbant le dos sous les pleurs.
Un lavoir vermoulu, perdu en sortie de Tursac nous offre une maigre
protection le temps de nous requinquer. Les randonneuses avaient acheté
des gâteaux aux noix à Moustier (le boulanger est recommandé
par notre hôte de St Léon). Profitons en ! Avec une tasse
de thé ou de café ! On grimpe maintenant sur une crête
au dessus des méandres de la Vézère. Et au sommet
de la crête, alors qu’un buisson de chèvrefeuille
borde le sentier, la pluie cesse ! Une accalmie laissant comme une
sensation de vide infini. Tellement on était braqués
pour résister aux averses. Hélas, les randonneurs entrent
aux Eyzies sous la pluie battante !
Ce soir on se fait
plaisir, on dîne au restaurant du Moulin pour regonfler le moral
!
Risotto de cèpes
en amuse-bouche
Foie gras et salade au vinaigre balsamique
Confit de canard aux mojettes
Tartes aux pommes, ananas
Bergerac rouge
Lorsque l’on quitte le Moulin la nuit est claire, le ruisseau
coule gaiement sous la roue à aubes. On traverse les Eyzies,
la grande rue luisant sous les réverbères.
Samedi 21 octobre
: Une grotte à vendre !
Les Eyzies se réveillent dans la brume, des nuées opalines
sont emprisonnées entre les falaises de la Vézère.
Mais un fond de ciel bleuté laisse présager une journée
radieuse. Les nuages n’ont pas de bordure rose, ils ne seront
pas traîtres ! Les randonneurs traversent les Eyzies en sens
inverse, leurs yeux sont maintenant dessillés. Dans les falaises
ils voient des habitations troglodytes, incrustées dans le
calcaire, avec des fenêtres à meneaux. Un homme de cromagnon
sculpté dans la pierre est dressé sur une corniche.
Le regard lointain en direction de la Vézère. Lorsque
l’on franchit le pont sur la rivière en amont, Les Eyzies
paraissent nichées dans des touffes d’arbres d’un
vert automnal.
La gorge d’enfer part d’une bifurcation au bord de la
Vézère. Elle s’enfonce dans un monde étrange.
On sent à la fraîcheur des feuilles pantelantes la joie
d’être sorties des pluies diluviennes d’hier. Mais
l’humidité de la gorge est prenante. L’air est
saturé de vapeur invisible, rampante. Le chemin est bordé
de fougères scolopendres ! Ces fougères des temps anciens
que nous autres, randonneurs à la petite semaine, n’avions
vus qu’en Bretagne ! Le tapis de feuilles mortes poisseux comme
une peau de serpent suinte sous les semelles des chaussures. Un trou
sombre se découpe sur la falaise à droite. C’est
la grotte du poisson ! Du Poisson ?! Oui répondit Claudine,
on y a trouvé un poisson gravé sur le rocher !
Les trous, les
anfractuosités, les corniches sont emplies de mousses vert
tendre. Le chemin pendu mène ainsi les randonneurs à
travers une forêt préhistorique. Ils débouchent
sur une plaine vallonnée. Les fermes et les villages sont enfoncés
dans les creux ou posés sur les buttes, à perte de vue.
Et jusqu’à la ligne d’horizon, ne tenant pas ses
promesses, le ciel s’est rempli de grisaille. A l’entrée
d’un hameau secret, dans le coin d’une cour de ferme,
les seuls êtres vivants sont des lapins grignoteurs au fond
de leur clapier ! Mais la ferme est close dans son silence et le hameau
nous laisse passer comme si rien n’était. Tiens ! Une
grotte à vendre ! C’est la grotte du sorcier au dessus
de St Cirq !
Grotte à
vendre avec les bâtiments troglodytes ! C’est du costaud
! Etes vous amateurs ? Faites du bouche à oreilles ! St Cirq
est en contrebas, des cheminées des maisons sortent des fumerolles
qui se diluent dans l’air frais. Les randonneurs dévalent
le sentier vers le Bugue. Il faut faire vite pour se ravitailler avant
que les commerces ne ferment, sur l’heure de midi ! Il y a encore
le marché ! Les charcutiers ont déjà rangé
leurs jambons et leurs saucissons. Mais les maraîchers écoulent
encore leurs dernières tomates, leurs ultimes pommes. Une boulangère
a encore une miche de derrière le comptoir ! Les randonneurs
dispersés dans le bourg à la recherche de victuailles
se retrouvent gaiement au bord de la Vézère. Une miraculeuse
éclaircie permet d’étaler les chemises humides
sur l’herbe du rivage pour sécher, enfin !
Le raide chemin
des noisetiers grimpe au dessus du cingle du Bugue. On transpire.
A peine séchés des pluies, voilà nos maillots
trempés de sueur ! Derrière nous le Bugue et le méandre
de la Vézère disparaissent dans les détours du
chemin herbeux. Des vaches paisibles ruminent leur sieste d’après
midi. Mais bientôt le sentier se transforme en piste fangeuse
de boue et d’herbe glissante. La piste serpente dans un vallon
et remonte à flanc de coteau. La vallée de la Vézère
est là devant nous, dans un étroit couloir avec une
chapelle romane surgissant d’entre les champs. La Vézère
court à sa mort ou à sa renaissance. « Face à
cette vallée Paul Eluard et Louis Parrot ont rêvé
ensemble d’une poésie faite par tous et pour tous »
Limeuil est un
joli village médiéval aux maisons anciennes solidement
restaurées. Ces maisons sont construites les unes à
côté des autres. Elles sont séparées par
des andronnes, étroits boyaux servant d’égouts
et de latrines !
Tourin (soupe à l’ail)
Salade aux foies de volaille
Confit de poule aux pommes sarladaises
Pécharmant
Parcourir Limeuil
la nuit est un songe. Les réverbères diffusent une lumière
orangée. Une noce bat son plein dans une auberge aux vitres
brillantes. On descend le rue basse, après la herse, jusqu’au
rivage, au confluent où la Vézère rejoint la
Dordogne.
Dimanche 22
octobre : Le héron cendré
Pour la dernière journée voilà enfin le ciel
bleu, pur, sans tâches, sans nuage piégeur aucun ! On
sort par la porte du Reclusou joliment ornée de cosmos aux
fleurs tendres et acidulées. Le vallon descend vers la Dordogne.
La Vézère est maintenant derrière nous, ou du
moins s’est unie avec sa sœur, plus loin, en amont. Et
là haut, sur le chemin de crête du plateau, on domine
un premier cingle de la Dordogne. Cingle, cinglant ?! L’étrave
d’un navire qui cingle la mer ?! Quelque chose qui frappe et
qui blesse ? Non ! En patois du coin, c’est le nom donné
à l’espèce de presqu’île créée
par le méandre paresseux de la rivière. Déjà
la Vézère nous avait donc offert de superbes cingles,
comme au Bugue, et la Dordogne nous en offre d’aussi beaux.
Avec un large méandre bordé de falaises calcaires, aux
strates blanches et rythmées, le rivage de la presqu’île
est bordé de peupliers bien droits et élancés.
La géométrie des champs est découpée par
les talus, les routes, les buissons, les bosquets, les murets de pierre
et les maisons dont les cheminées fument dans l’air frais.
Un brouillard duveteux se fixe par inadvertance dans l’ultime
boucle du méandre.
Le sentier des
bories passe d’un méandre l’autre ! Il coupe au
travers d’un plateau vallonné d’où surgissent
par fulgurances, des hameaux tapis aux creux des collines. Le chemin
emmène les randonneurs jusqu’au rivage du cingle de Trémolat.
Le village est dominé par le clocher massif de sa grande église
romane. La rue Bertrand de Born traverse le village sur le bord du
parvis de l’église. On a le temps de prendre un café
au bar du coin face au porche de l’église. Des gens du
village nous interpellent pour savoir si le GR nous plait ! Ce sont
des randonneurs périgourdins ! Au bout de la rue Bertrand de
Born les randonneurs empruntent la route Charlemagne pour contourner
le cingle.
Des noyers sont plantés dans les champs en bordure de la route.
On ramasse des noix pour les éclater et croquer leur cœur.
Les champs tout autour sont fraîchement labourés. Quelques
vignobles sont au repos. Les fermes seraient silencieuses et désertes
sans leur basse cour peuplée d’oies et de canards turbulents.
Le sentier traverse le plateau bien en deçà du cingle
de Trémolat. Il faut contourner le cingle en passant au dessus
des vallons encaissés qui forment comme un entonnoir plongeant
vers le méandre ! Où sommes nous maintenant ? La rivière
est totalement invisible et nous voilà égarés
au milieu de vastes collines.
C’est un sentier étroit et sinueux en rebord d’un
coteau que l’on descend vers la Dordogne. Par instants une trouée
dans le rideau végétal plonge le regard dans le cingle
retrouvé. Le barrage de Mauzac est au bout du méandre.
Juste après le barrage, la Dordogne devient une rivière
sauvage, à demi asséchée, où des filets
de basses eaux stagnent entre les buissons des îlots marécageux.
Un héron cendré prend son envol, tournoie et disparaît
vers le cingle. Les randonneurs suivent le long canal de Lalinde parallèle
à la Dordogne sauvage. On ne voit la fin du chemin de halage
qu’aux passerelles du plan d’eau de Lalinde.
D’où venez vous comme cela ?! Dit un vieil homme du bourg.
De Terrasson en Périgord ! Vous avez fait tout ce chemin à
pieds ? Bravo ! Lui et sa femme rient de plaisir ! C’est vrai,
on est allés à la rencontre des gens ! C’est un
peu ça n’est-ce pas ? Sylvie, les hôteliers de
St Léon, Thomas, Monsieur Abel, les poètes rêveurs,
les hommes de cromagnon, les randonneurs périgourdins et ce
vieil homme à la voix rieuse.
« Il se peut qu’un jour la France cesse d’exister,
mais le Périgord survivra, comme les rêves dont se nourrit
l’âme humaine » Henry Miller.
Agnès,
Claudine, Alain, Jean-Yves et Cathy.