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Traversée
des Calanques entre Marseille et La Ciotat - Avril 2005
Vendredi
15
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Le
chemin de Callelongue
C’est
en taxi que nous arrivâmes au petit port de Callelongue.
Le temps était légèrement venteux, le ciel
couvert laissait présager une période pluvieuse.
Ce temps ne nous avait pas permis de venir de Marseille par
bateau.
Des mouettes volaient en tous sens au dessus des bateaux au
mouillage et au dessus des pentes rocheuses d’un blanc
grisâtre, tandis que la mer effleurait la calanque. Calanque
vient du mot latin calanca qui désigne une crique rocheuse
à parois abruptes.
Le
sentier marqué de bandes noires, rouges et blanches monte
doucement. Callelongue rapetisse à vue d’œil
et à l’extrémité de la crête
ce n’est plus qu’une brève déchirure
de la côte. Les étendues qui nous entourent sont
couvertes de végétation halophile et de garrigue
: une multitude de buissons verdoyants accrochés çà
et là d’où émergent des fleurs malicieuses,
les cistes au mauve tendre, le romarin dont la petite fleur
bleue interpelle le randonneur. Vient à moi mon ami,
prends moi dans tes bras, respire mon parfum ! C’est Giono
au bord de la mer !
En face les îles nous saluent tout au long du chemin côtier
qui redescend au ras de la Méditerranée : l’île
Marie et l’île de Jarre. Le vent fouette nos visages
rieurs. Puis le sentier devient un raidillon plus abrupt, même
escarpé. Parfois nous passons sous des pins maritimes
recourbés, formant comme des tunnels.
La pluie tombe, les capes sortent. Le sentier peut être
glissant, mais la mer est loin depuis les plateaux que nous
avons atteints. Les îles Calsereigne et Riou s’offrent
à nous, comme des morceaux de calanque égarés
par ironie.
La
calanque de Sormiou est le point de passage pour la grotte Cosquer.
On ne peut la visiter car elle se trouve sous la mer et on y
accède par un siphon. Les calanques sont en fait de très
anciennes vallées, 120 millions d’années,
le niveau de la mer était alors 120 mètres plus
bas. Nos ancêtres pouvaient accéder plus facilement
à la grotte !
Des figuiers de barbarie bordent le chemin, qui passe devant
les cabanons de Sormiou. Les figues sont presque mûres,
on peut les éplucher et goûter leur fraîcheur.
Mais cela c’est une lubie de votre rédacteur, qui
se retrouve avec les mains rouges et les doigts agacés
par de minuscules épines.
Il faut grimper un raidillon brutal, et même escalader
un étroit passage vertical pour dominer la langue bleue
de la calanque de Sormiou et franchir la crête. Puis les
randonneurs dévalent un pierrier long et raide jusqu’au
port de Morgiou. Là encore des bateaux dorment à
l’abri dans la crique.
Nous
rejoignîmes Cassis en taxi, par delà les crêtes
de Morgiou.
Quelle est cette falaise demandais-je ?
C’est cap Canaille répondit le chauffeur du taxi.
L’hôtel
le Commerce accueille les randonneurs trop heureux de s’alléger
de leurs sacs !
Nous
avons bien mérité l’apéro et la tapenade
!
Au
dîner : Soupe de poisson et sa rouille
Filet de Mérou
Fraisier |
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Samedi
16 |
Les
îles à la dérive
Aujourd’hui
c’est mistral ! Dit le patron de l’hôtel,
il n’y aura pas de pluie.
Le chef a fini par trouver un bateau prêt à nous
ramener à port Morgiou, là où nous étions
la veille.
Une
petite vedette pour nous seuls les neuf randonneurs ! La vedette
tangue sur les vagues, contourne d’invisibles hauts fonds,
ou bien de traîtreux remous au large des falaises calcaires
qui plongent droites dans la mer. Vers le ciel s’érigent
leurs aiguilles acérées. Parfois entre elles se
dresse un pin solitaire, la silhouette courbée par le
vent et les années de pousse hasardeuse. Le ressac fouette
les parois, s’éparpille en gerbes mousseuses. La
proue de la vedette monte et descend dans un crissement perçant
(votre rédacteur fait ce qu’il peut hein ?). Les
téméraires qui se penchent par-dessus le bastingage
reçoivent de pleines volées d’embruns.
Puis vint le calme paisible, la vedette entre dans la calanque
de Morgiou. Le débarquement est sportif, il faut sauter
de la proue sur les rochers de la jetée que la vedette
frôle précautionneusement.
Nous
revoilà dans les sentiers escarpés qui serpentent
entre les falaises. Les passages sont rudes, c’est presque
de la varappe ! Des rochers, encore des rochers à n’en
plus finir. Il suffit de prendre quelques aiguilles de romarin,
de les rouler entre les paumes des mains et de respirer leur
délicate senteur pour se sentir d’aplomb. Ça
et là des faisceaux de branches noircies émergent
des buissons verts, signe des incendies qui ont ravagé
le massif depuis tant d’années. On trouve du thym,
des iris sauvages. L’odeur de garrigue est très
prenante. Nous descendons un couloir par une échelle
de fer, le derrière en avant. Immortalisons cet instant.
Quelle galerie de fesses à photographier dit Anne-Marie
d’une voix rieuse !
Nous croisons un randonneur solitaire fièrement campé
avec un chapeau australien sur la tête. Echange de propos.
Sur
les crêtes du Devenson, les îles Riou et Calsereigne
qui ont dérivé loin derrière nous sont
encore visibles. Des buissons de genévriers portent de
petits fruits ronds d’un violet foncé. Depuis les
crêtes de l’Oule on entr’aperçoit le
cap Canaille et les prémices de Cassis. Les randonneurs
atteignent le col des charbonniers et dévalent la vallée
des chaudronniers, puis remontent une pente très ardue
pour redescendre vers port Miou (Le Portus Melius, aimé
des romains eux mêmes !).
A
l’apéro Alain dit : le pastis n’a pas le
même goût à Cassis qu’à Paris
!
Prononcez Cassisse avec un accent chantant dit votre rédacteur,
qui est enfant de Toulon par hasard.
Ce n’est pas vrai, le chauffeur de taxi d’hier a
dit Cassi et il est provençal répond Nathalie
d’une voix posée.
Au
dîner : Moules marinière
Spaghetti Carbonara
Gâteau au pralin et au miel.
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Dimanche
17 |
Dans
la calanque d’En Vau
Quelle
surprise ! Un soleil radieux éclate sur le port de Cassis,
nous le voyons de notre hôtel. Les randonneurs empruntent
le sentier côtier d’un pas alerte. C’est par
le chemin de port Miou repris en sens inverse que nous allons
rejoindre la calanque d’En Vau.
Cependant
le mistral souffle fort. Le sentier serpente entre les pins
et la garrigue. Quelques raidillons viennent agrémenter
la promenade. C’est un repos après la dure journée
d’hier. Par-dessus les crêtes nos îles à
la dérive nous disent : Vous êtes déjà
si loin ! Revenez ! Revenez ! Mais les randonneurs sont attirés
par la transparence des eaux de la calanque d’En Vau.
L’eau turquoise de la Méditerranée vient
lécher les galets d’En Vau. Le soleil darde ses
rayons. Le mistral ne peut atteindre cette crique si bien abritée.
Une douce chaleur se répand sur la plage. Des varappeurs
escaladent les aiguilles d’En Vau. Les plus courageux
d’entre nous vont tremper les mollets dans l’eau
glacée. Après le pique nique, une torpeur nous
accable, c’est la sieste au soleil. La vie et rien d’autre
!
La
calanque est à moitié dans l’ombre lorsque
nous reprenons le chemin vers le col de la Gardiole. Un endroit
qui domine la baie de Cassis. Le cap Canaille aux falaises rousses
se dresse majestueusement sur la mer. Certains disent que cela
vient du provençal ‘Cap Naïo’, ‘La
montagne qui avance sur la mer’ ! C’est tiré
par les cheveux dit Jean-Claude.
Et tout à gauche des crêtes du cap, on voit la
‘couronne de Charlemagne’, une montagne qui présente
la forme de la couronne des anciens rois Lombards.
Les bateaux tracent leur sillage blanc sur le bleu foncé
de la baie, et quelques moutons la piquètent.
Les randonneurs gardent un œil rêveur sur cette vastitude.
Nous
retournons à Cassis, encore une falaise à escalader
et nous voici entrés dans la ville. On emprunte la Traverse
du Soleil. En bas au travers des pins courbés le port
miroite. Puis on descend la sinueuse avenue de l’Amiral
Ganteaume pour arriver rue st Clair, à notre hôtel.
On
prend un pastis demande le chef ? Ben c’est sacré
disent quelques voix !
Au
dîner : Bouillabaisse !! Non !? Si ! Génial !
Aïe aïe mes amis !
Je
vous offre une surprise, dit Alain, vous avez été
trop bien !
Champagne pour tout le monde ! On trinque !
La
nuit venue quelques nostalgiques vont contempler la mer à
l’abri du vent, derrière le phare du port, voir
l’écume blanche du rivage sur les galets. A l’horizon
des lumières clignotent : un autre phare au milieu de
la mer ? Et des navires qui glissent imperceptiblement. |
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Lundi
18 |
A
l’assaut du cap Canaille
Au
revoir les Cassidaines et les Cassidains !
Les
randonneurs quittent le port avec le sac à dos plein
comme un œuf ! Les deux dernières journées
étaient plus faciles avec le sac allégé,
les affaires inutiles étant laissées à
l’hôtel.
Il faut monter l’avenue du Revestel, elle traverse Cassis
et monte d’une traite jusqu’au pas de la Colle,
214 mètres ! Le chemin est bordé de vignobles
plantés en escaliers sur les flancs de la colline abrupte.
Le vignoble de Cassis est réputé. Puis un sentier
longe l’extrémité des falaises au dessus
de Cassis. Nous sommes sur le cap Canaille ! Le chemin descend,
contourne un trou appelé ‘grotte des espagnols’
et retrouve le bord du monde que nous allons quitter : Les îles
Riou, Calsereigne, les calanques, Cassis. Il faut faire nos
adieux. Après les falaises Soubeyrannes, le chemin va
bifurquer et nous ne les verrons plus.
Jean-Yves regarde ! Le phare ! Dit Alain. Une fine pointe noire
émarge du milieu de la mer. C’était le phare
aperçu dans la nuit d’hier.
Il faut grimper sans cesse, dévaler des pentes et remonter
! Le point le plus haut des falaises est atteint à 394
mètres. On descend jusqu’au sémaphore du
Bec d’Aigle. La baie de la Ciotat est en vue. Et la fin
du voyage.
Les
randonneurs se trouvent un coin en face de la baie pour pique
niquer et faire la sieste au soleil ! C’est sacré
non ?! Pensez vous ! Il y en a qui font la causette de plus
belle.
Nous
prenons le temps de faire la sacro-sainte photo de groupe à
l’orée de la Ciotat. Les énormes grues du
chantier naval sont visibles de loin. Nous avons fait 2150 mètres
de dénivelé en quatre jours !
Et
voilà ! On attend l’arrivée du train en
gare de la Ciotat pour nous en retourner à Marseille.
Et hélas ce n’est pas du cinéma.
Mais
les meilleures choses ont une fin pour que cela puisse recommencer.
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