Les randonneurs,
la mer et la presqu’île de Crozon
Lundi 5 juin
: La lune sur St Gwenolé
Une petite route égarée dans les champs bretons serpente
au dessus de la mer. Ce n’est qu’une mer intérieure
cependant. Tout l’horizon est fermé par les côtes.
Quelques minuscules bateaux tracent un sillage léger. Les randonneurs
traversent un sous-bois le long d’un ruisseau. Des fougères
tapissent les bordures du sentier. Ça et là se dressent
des tiges de digitales au pourpre violacé, enjôleuses
et trompeuses. Après le hameau de Kergadalen le sentier est
à l’aplomb d’une vaste étendue d’eau.
On voit des vaguelettes miroiter au travers du dense rideau de végétation.
Est-ce encore la mer intérieure ? Non ! Une trouée dans
le feuillage nous fait entrevoir le rivage d’en face, si proche.
C’est l’Aulne, un fleuve qui s’en va rejoindre les
eaux profondes de la rade de Brest. Le pont de Térénez
est la mince attache qui relie la presqu’île au Finistère,
à la Bretagne. Des canoes glissent sous l’arche du pont.
Sur la presqu’île le sentier tourne et retourne pour se
faufiler entre le pilier de l’arche et la rive de l’Aulne.
Dans la forêt de Landevennec, quelques fenêtres ouvertes
donnent sur le fleuve tranquille. Les randonneurs ont-ils la sensation
de la présence maritime ? Les bateaux de plaisance sont-ils
les prémisses annonciatrices ? Ou bien les mouettes à
l’aventure ? Ou encore les chalutiers à l’abri
ou à la retraite dans leur cimetière ? Un moulin à
mer est bâti dans une anfractuosité de la côte.
L’effet des marées doit se faire sentir au moins jusqu’à
l’embouchure de l’Aulne. Est-ce loin l’océan
? La chapelle du Folgoat monte la garde à la porte du Menez
Hom Atlantique.
Les randonneurs grimpent sur le Pen Ar Garrec, sentier qui contourne
la chapelle jusqu’au dessus du clocher. L’humidité
suinte, dévale la légère déclivité
tapissée de fougères. On sent l’odeur marécageuse
de l’eau stagnante. Serais-ce là ? L’œil aux
aguets, scrutant les fougères immobiles toutes en dentelures,
nous nous faufilons entre les arbres plantés au milieu de la
végétation. Soudain, je la vis ! Avec ses feuilles en
fer de lance, la fougère scolopendre ! L’étrange
fougère qu’Anne-Marie nous fit découvrit lors
de la randonnée du Mt St Michel, l’an passé !
Les voici qui escaladent un chaos rocheux jusqu’à un
étroit balcon qui domine l’île de Térénez.
Le pont est encore visible en enfilade dans le lointain. L’Aulne
fait un méandre capricieux pour contourner la première
griffe que fait la presqu’île avant l’estuaire.
Quelques bateaux sont amarrés au rivage (Encore un cimetière
de bateaux ?!). Au débouché de la forêt, sur la
route de Landevennec, un calvaire de granit tend les bras pour protéger
les passants. Le Christ au visage paisible est étendu sur la
croix regardant le carrefour, et de l’autre côté
une vierge à l’enfant bénit les voyageurs qui
se sont attardés la découvrant avec étonnement.
Nous entrons dans Landevenneg parrez eus park an Arvorig.
Landevennec commune
du parc d’Armorique. Cette petite ville s’est formée
auprès de l’ancienne abbaye fondée au VIeme siècle
par le moine St Gwenolé. Les bâtiments abbatiaux sont
maintenant en ruine. La nouvelle abbaye est construite sur une petite
colline qui surplombe l’estuaire de l’Aulne.
Au café de Landevennec, derrière le gîte d’étape,
les randonneurs dégustent une bonne bière bien fraîche.
Il y a des bières bretonnes aux algues ou au blé noir.
Belle façon de couronner une première journée
de mise en jambes.
Un randonneur de passage se joint à notre tablée. Il
raconte son parcours, il suit les côtes bretonnes depuis près
d’un mois avec son sac de 30kgs !
Au dîner :
Assiette de cochonnailles
Jambon braisé et gratin dauphinois
Île flottante et tarte aux pommes
Le tout arrosé du vin du patron !
Le soir venu les
randonneurs vagabondent dans Landevennec s’endormant. L’église
est bâtie tout au bord du rivage, le cimetière qui l’entoure
est contenu par un parapet qui domine le port. Les croix se détachent
sur la baie scintillante dans le couchant. En revenant au gîte,
dans la lumière déclinante, quelques randonneurs tenaces
arpentent encore la petite route qui monte vers l’abbaye nouvelle
de St Gwenolé. Une brise légère répand
sa fraîcheur. Et là haut, au dessus des toits d’ardoise,
luit la lune à son premier quartier.
Mardi 6 juin
: Dans l’Anse de Poulmic
Le Hent
Ar Fiezen est une ruelle qui part du port de Landevennec pour rejoindre
une pinède. De beaux murs de pierre blonde avec des fougères
scolopendre bordent le Hent (le chemin en breton bretonnant). Toute
la côte au dessus du Sillon des Anglais est couverte de pins.
Long chemin ombragé à flanc de coteau le GR est parfois
éclairé de brefs éclats de soleil qui percent
la voûte du tunnel. La pinède laisse la place à
des arbustes au tronc peu développé : des chênes
rugueux et des hêtres à tronc lisse. Les feuilles des
arbres nous disent ce qu’ils sont. Le vent et le sel de la mer
si proche doivent contrarier le développement de ces arbres.
On dirait que la nature sculpte la juste dimension de la végétation.
Le lent défilement des troncs, les pas étouffés
sur la sente rendue souple par tant de feuilles et d’humus accumulés
engourdissent les randonneurs. Personne ne dit mot ! Qui chanterait
pour entraîner les marcheurs ? La musique des arbres, la sonerezh
bretonne, ne manque pourtant pas ! Lorsque nous débouchons
sur une plage devant l’Anse de Poulmic, un cormoran nous observe
perché sur une bouée. Tandis qu’un grand corbeau
noir indifférent fouille du bec les algues de l’estran.
Dans le lointain, sur la ligne fine de l’horizon, on devine
à peine l’Ecole Navale, la Skol an Arme Vor. Et quand
nous descendons à nouveau entre les champs vers la mer d’un
bleu sombre ; toute la rade tranquille scintille avec une ondulation
imperceptible.
C’est la
parfaite sérénité ! Dit Marie-Hélène.
Mais le long sentier côtier, le Hent Tal an Aod, qui nous guide
jusqu’à l’Ecole est presque hostile ! Il nous refuse
le moindre recoin hospitalier pour faire halte ! Courage, il y a une
plage de galets plus loin ! Et au bout d’un sentier de traverse
une plage nous attendait. Les longs bâtiments de la Skol nous
font face. Avec à côté l’éclat gris
mat des navires à la retraite, à l’ancre, immobiles
: le Suffren, la Galissonnière reconnaissables à leurs
superstructures. Le radôme pour l’un ou le caisson porte-hélicoptère
pour l’autre. Les randonneurs contournent l’Ecole Navale
en longeant le grillage qui l’enserre. Le sentier est une vraie
fondrière. On patauge dans la boue visqueuse.
On s’agrippe au grillage avec désespoir !
‘’Terrain Militaire’ Dit le grillage ! Des hélicoptères
vrombissent dans le ciel. Ils se rapprochent, nous observent. Sommes
nous traqués ? Non, ils s’éloignent ! On respire
! La base aéronavale de Poulmic est à proximité,
Bon Aervorel en breton ! On scrute la cime des arbres, attendant une
autre apparition d’hélicoptère ! Tu ne te rends
pas compte du bruit que font les hélicoptères ! Me dit
Annie ; on a les oreilles qui bourdonnent, c’est infernal !
La base est quelque part cachée derrière les bosquets.
On traverse des champs pourtant d’apparence bucolique. On longe
des prés avec des poneys secouant leur crinière et vaquant
d’une démarche paisible, broutant l’herbe tendre.
La chèvre
à barbiche nous regarde passer en tirant sur sa corde. Puis
voici encore un hélicoptère qui s’élève
de la cime des arbres tiré par son rotor. Une camionnette croise
les randonneurs à la sortie d’un hameau. Les conductrices
paraissent amusées et interpellent les filles du groupe. De
quoi parlent-elles ? Du chemin pour Lanvéoc ou de la vie dans
les hameaux autour de la base? Les premières maisons de Lanvéoc
sont disposées pareillement à une station balnéaire
autour d’un rond point avec une ancre marine ailée. Au
bord de la rue lumineuse et fleurie, des pennonceaux routiers portent
des noms au breton chantant : Kraozon, Kameled, Roskanvel !
Au dîner :
Langoustines (Extra ! C’est la pleine saison)
Raie au beurre noir (Sublime !)
Far aux pruneaux (Fait par l’excellente grand- mère de
l’hôtel)
Gros Plant et Muscadet pour arroser le tout !
Il faut descendre
la ruelle de derrière l’hôtel, elle fait de grands
virages, on ne sait si la mer est proche car on ne la voit pas ! Pourtant
elle est là ! Au dernier détour on voit une citadelle
qui surplombe le petit port. Quelques bateaux barrent de noir le scintillement
de la mer dans le couchant.
Mercredi 7 juin
: Thalassa ! Thalassa !
Au petit matin le minuscule port de lanvéoc est tout empli
de lumière. Il souligne l’île Longue à quelques
encablures avec sa base de sous-marins. Et en deçà les
hautes constructions de Brest. Les randonneurs suivent le sillon dans
une pinède. Le souple sentier est un tapis d’aiguilles
! Mais de temps à autre un champ de fougères meuble
les clairières. Les digitales pourpres tranchent de leur éclat
sanglant. Parfois les fougères sont à peine nées
et leur extrémité est encore vrillée, promesse
de futures feuilles dentelées. Plus loin encore des iris jaunes
hèlent les marcheurs en souriant. Un souffle d’air frais
monte du rivage.
La petite route passe sur une langue de terre qui sépare l’étang
du Fret de la baie.
De vieux chalutiers
sont échoués sur le rivage, ils pourrissent inutiles
et nostalgiques. Tant d’hommes y ont passé leur vie sur
des mers proches ou lointaines. Tant d’hommes aussi ont porté
leurs espoirs sur ces vestiges qui meurent d’une vieillesse
lente et digne.
L’odeur du foin coupé nous assaille quand nous commençons
à entamer la jonction de la rade à l’océan.
Nous allons couper court et passer sous Roscanvel pour rejoindre Camaret.
St Fiacre est un village fleuri avec une église de granit.
C’est charmant ! Les gens du village rivalisent d’imagination
pour présenter des fleurs originales, voire exotiques. Une
fontaine avec de curieuses portes baigne le pied de la chapelle.
Nos photographes amateur se bousculent pour prendre le miroir de la
fontaine, les gargouilles de la chapelle ! Pousse toi ! Enlève
ton sac ! C’est bon reviens ! Reviens ! Tu veux un chocolat
?! On y va, on se remue ! Allez allez ! La route frôle une dernière
fois le rivage de la rade. Oh ! Regardez les îles là
bas ! Ce sont l’île Trébéron et l’île
des Morts, les dernières de la rade (pour nous hein !). Une
jolie maison aux volets bleus est enfouie au milieu de talus fleuris,
de marguerites et de boutons d’or. La petite route se faufile
entre les hameaux de la presqu’île de Roscanvel, puis
un bref instant, elle domine les deux étendues : la rade de
Brest et l’Anse de Camaret.
Thalassa ! Thalassa ! Je pousse le cri de Thémistocle ! C’est
la vraie mer dis-je. C’était déjà la mer
avant ! Oui mais c’était la rade close, ce n’était
pas une vraie mer. Et là c’est la mer d’Iroise,
l’océan sans limites. Dans le lointain en plissant les
yeux on distingue deux épines blanches fichées sur la
cote finissante, les phares de la pointe St Matthieu. La végétation
change, les falaises sont couvertes de bruyères rases en fleur
et d’ajoncs ; doux mélange de vert, de rouille, de mauve
et de jaune éclatant. Les randonneurs descendent sur la plage
de Trez Rouz. Camaret est nichée dans une anse qui forme un
croissant protecteur, à gauche de l’ouverture vers l’océan.
On s’installe sur les rochers face à la ville.
Une mouette (ou un goéland ?!) darde son œil perçant
sur les intrus (c’est nous !). Cherche-t-elle à dérober
quelque chose ? Un bout de pain ou de biscuit que les randonneurs
lui envoient bien volontiers !
Un chalutier rentre au port environné d’une nuée
de mouettes. Camaret rutile de blancheur. Son sillon avec sa chapelle
ND de Rocamadour et son fort Vauban veille jalousement sur le port.
Des bassins sont disposés un peu en deçà de l’entrée
du port, on dirait des élevages de poisson ( ?!). Là
aussi sur le rivage du sillon meurent de vieux langoustiers de bois
et de fer qui firent la fortune de Camaret. Personne ne doit y toucher
que le vent et les probables vagues des marées hautes.
Au dîner :
Timbale de saumon et de hareng
Cabillaud sur lit d’andouille et de choux
Fondant au chocolat
Muscadet
Le sacristain de
la chapelle ND de Rocamadour ne se fit pas prier pour nous raconter
avec spontanéité la bataille de Camaret. Le boulet de
l’escadre anglaise qui fauche le clocher de la chapelle. La
milice du fort Vauban qui repousse le débarquement des fantassins
anglais sur la plage de Trez Rouz (La plage sanglante !). Tout en
souriant il ferma la porte de la chapelle à double tour. Et
nous retournâmes au port illuminé dans la nuit.
Jeudi 8 juin
: Tempête au Toulinguet
Les randonneurs passent derrière le fortin qui veille sur la
baie de Camaret. Ils débouchent sur une lande battue par les
vents. Partout sortent du sol des blockhaus allemands avec leurs meurtrières
béantes, des casemates de béton couvertes de graffitis
et de lichen. Des trous de bombe au milieu des bruyères et
des ajoncs témoignent de la violence des combats de la guerre
passée. Et de l’importance stratégique du site.
Le sémaphore du Toulinguet à l’extrême pointe
dirigée vers l’océan est encore entouré
de fortifications. Il prend en enfilade l’étroit goulet
de Brest. Les phares de la pointe St Matthieu, nettement visibles
maintenant, scintillent de blancheur au bout de la côte en face,
au delà du goulet.
Sur la gauche on aperçoit derrière l’îlet
du Toulinguet la pointe de Pen Hir, la tête longue en breton.
On descend du Toulinguet jusqu’aux dunes qui bordent une longue
plage de sable ocre clair. La baignade y est interdite parait-il !
Il y a grand danger de baïnes avertit un panonceau. Pourtant
quel charme tentateur que cette eau tranquille. La lente mélopée
du flux et du reflux des vagues empli l’espace. Les minces rouleaux
d’écume strient l’émeraude de la mer. La
profondeur de l’eau se devine aux variations des camaïeux
de bleus, depuis le bleu turquoise des hauts fonds jusqu’au
bleu outremer sombre dans le lointain.
De la falaise quelques tourelles ruinées du manoir du poète
surréaliste St Pol Roux veillent sur ces grèves. Un
peu plus loin des alignements de menhirs viennent ponctuer les champs.
C’est Lagatja.
« Là-Haut croule, pierre après pierre.
Le beau manoir de Coecilian.
Victime des vents, de la guerre.
Où va, priant,
Saint-Pol Roux, mon mentor poète.
Ame du Camaret d’antan.
Le vent fou tourne dans sa tête
Des flots de sang »
Ecrivait Jean-Yves le Guen dans son poème ‘Tempête
au Toulinguet’.
Une énorme batterie est dressée un peu plus loin. Elle
sert de mémorial pour la bataille de l’Atlantique. Alentour
sont encore éparpillées des casemates, des affûts
de canons, de mitrailleuses. Des trous d’obus déchiquètent
la lande. Le vent incessant continue de balayer la lande rase. Les
tas de pois de Pen Hir jouent aux points de suspension comme pour
souligner le bout du monde. Sur le versant de l’Anse de Pen
Hir, derrière la pointe, les mouettes au rire moqueur planent,
montent et descendent dans les courants d’air. Les goélands
ont un cri perçant. On dirait des pleurs disent les filles.
La cote est découpée en criques avec des plages de galets
ou d’éboulis de granit. La mer bat les brisants qui parsèment
le large.
Le Chef dit : On va profiter de la marée basse pour traverser
la grève de Kerloc’h. Et les randonneurs arpentent le
sable en rasant l’écume qui roule d’un ultime effort,
abandonne, s’étale vainement et reflue en laissant quelques
traces furtives. Tandis que votre narrateur attache ses chaussures
à l’épaule et marche carrément dans les
flots. Quel délice !
Aucune ombre ne vient nous abriter depuis le Toulinguet ! La lande
est à perte de vue. Le vent seul apporte un peu de fraîcheur
et offre un répit trompeur. Les randonneurs sont en train de
rissoler au soleil ! Jusqu’à la pointe de Dinan la cote
est de plus en plus déchiquetée, l’eau d’un
vert translucide joue sur les rochers de granit.
L’énorme château de Dinan possède une arche
qui le rattache à la falaise comme un pont-levis. La lumière
du soleil verdit l’eau cristalline en dessous de l’arche.
C’est par un étroit chemin creux bordé de fougères
scolopendres, avec quelques flaques boueuses, qu’à l’intérieur
des terres on rejoint le gîte de kerlouantec.
Au dîner :
Pain de Poisson
Calamars à l’armoricaine
Ilots de chocolat et crème anglaise
Sauvignon
Le soir est doux
que l’on se promène ça et là des chaumières
jusqu’aux champs.
Vendredi 9 juin
: Les orchidées de la lande
Le soleil et le vent sont encore nos compagnons pour cette étape.
Les randonneurs se sont copieusement enduits de crème solaire.
Une fois le chemin creux parcouru en sens inverse, revoici a lande
éternelle. les bruyères et ajoncs dans l’infini.
Nous retrouvons les étendues de sable blond, la houle de la
mer au large et les vaguelettes qui déferlent. On voit dans
l’horizon lointain une cote qui se dissout dans l’eau,
c’est la pointe du Raz. Il y a là l’île de
Sein, mais on ne la voit pas. Les randonneurs contournent l’éperon
de Lost Marc’h. Deux levées de terre en barrent l’accès.
Ce sont les restes du rempart qu’avaient édifié
les Celtes en 500 av. JC. Pour se réfugier sur l’éperon
en cas de danger.
La zone des dunes
de Dinan est un espace protégé. Des plantations d’oyats,
une herbe duveteuse, sont entretenues pour fixer les dunes. La lande
est couverte de fleurs. Il me semble avoir lu dans un petit livre
de botanique du gîte de Kerlouantec qu’il y a des orchidées
! Dit votre reporter rieur. Un gage pour celles qui en trouveront
! Nicole et Mado m’apportent déjà d’étranges
petites fleurs jaune orangé avec une singulière langue
pendante. Oui ! Ce sont bien des orchidées ! La bise ! La bise
! Marie-Hélène avec sa vue perçante découvre
cachées au milieu des herbes et des oyats, quelques fleurs
au port de reine : de magnifiques orchidées mauves dressées
sur une tige verte d’une infinie longueur.
La découvreuse est triomphalement félicitée !
Ces orchidées sont uniques et fragiles. Nos photographes s’agglutinent
à croupetons avec précaution autour des précieuses
fleurs pour capter leur charme. Et la marche reprend le cœur
léger, satisfait de s’être empli de tant de beauté.
Sur une falaise de la plage de La Palue on embrasse dans une ample
vastitude les trois pointes du bout du monde : St Matthieu, Pen Hir
et plus distincte encore la pointe du Raz.
Le sentier qui mène au cap de la Chèvre surplombe des
falaises de grès. Les éboulis de rochers plongent dans
la mer transparente. Dans les criques secrètes, des plongeurs
se laissent glisser lentement dans l’onde à petits coups
de palmes ondulantes
Une fois passé le cap de la Chèvre tout change ! On
pénètre dans la baie de Douarnenez ! Le vent tombe,
la végétation devient plus dense, s’élève,
la lande disparaît et les fleurs deviennent plus rares. Peu
à peu le versant se couvre de pins maritimes, de fougères.
Les criques sont emplies d’eau turquoise. On se croirait presque
dans une contrée méditerranéenne. Les pinèdes
procurent enfin une ombre fraîche. Le chemin est abrupt, il
dégringole vers les criques et remonte sur la falaise suivante.
L’effort est continuel. En bas d’une descente on entend
le murmure d’une cascatelle qui sautille entre les fougères
et les blocs de grès. Et tout au bout une petite piscine (Un
lavoir ?) emplie d’eau claire et fraîche rassérène
les pauvres randonneurs harassés.
On re-grimpe les falaises qui se dérobent et on re-dégringole
jusqu’au niveau de la mer. Par endroit des escaliers sont aménagés
et ont des allures de chemin de pénitence ! Les marches coupent
les mollets. C’est la montée du Gador, la plus raide
de toutes, celle qui nous donne presque un air égaré
! On est en Bretagne, non ?! Le Gador ! Le phare du Gador, tout mignon,
nous accueille sur la plateforme au sommet de la montée. On
devine l’anse de Morgat depuis ce qui reste de l’ancienne
batterie de mortiers. Batterie installée par les commissaires
de la République, vers 1790, pour protéger Morgat des
escadres anglaises.
Les pins se balancent dans la brise qui souffle sur les hauteurs.
Tac ! Tac ! Les branches s’entrechoquent les unes contre les
autres.
Le port de plaisance
de Morgat est installé à une certaine distance du front
de mer. La plage est vaste et claire, d’une étendue de
doux sable blanc et l’eau est d’une transparence fragile.
C’est une plage en eau peu profonde. Qu’il est facile
de débarquer, de prendre pied sur l’anse de Morgat !
Au dîner :
Moules marinière
Filet de cabillaud aux petits légumes
Bavarois aux framboises
Pichet de blanc du patron
Le soir devant la plage à marée basse, les randonneurs
s’accoudent sur la rambarde du front de met et contemplent l’horizon
lointain.
Samedi 10 juin
: Brume sur la grève
Ce matin là la baie de Douarnenez est noyée dans un
brouillard diaphane. Un frémissement imperceptible amène
les vaguelettes jusqu’au rivage. Tout semble figé dans
l’attente d’un réveil qui ne vient pas. Les randonneurs
rejoignent le sentier côtier en montant la raide rue de Rulianec.
La mer aperçue depuis les falaises est maintenant d’une
couleur opaline. On entend le cri moqueur des mouettes qui surgissent
et disparaissent dans la brume laiteuse. Les plages de galets sont
grises et luisantes comme des écailles de poisson. Un vent
léger se lève et ratisse le bord des falaises. Ce vent
venu de la mer effiloche la brume en filets et les emporte sur les
bruyères, les fougères et les pins. Un petit quillard
à moteur glisse en contrebas sur la baie, son sillage trouble
à peine l’eau plate.
Quand les randonneurs se retournent derrière eux pour voir
Morgat tapie au fond de son anse, ils ne peuvent que deviner le front
de mer indistinct. Bientôt la lande reprend ses droits avec
les ajoncs épineux et trapus mêlés aux bruyères.
Le chemin frôle Postolonnec et escalade la falaise de Tébéron.
A côté c’est l’embouchure de l’Aber,
vaste grève qui semble accueillante mais qu’il faut contourner
par le sillon pour franchir la rivière. Ce contournement passe
par un étang près d’un four à chaux. Des
cormorans en dandinant sur une île de l’étang,
étendent leurs ailes pour les sécher. Une aigrette avance
avec précaution en pliant ses longues échasses, le bec
dans l’eau, fouillant l’eau le long d’un massif
de roseaux.
Les randonneurs retrouvent la grève de l’autre coté
de l’Aber. Quelques bateaux dorment en travers de leur quille
sur la plage à marée basse. Et le soleil perce enfin
l’air cotonneux. Lentement la mer retrouve sa transparence.
Mais là bas, le cap de la Chèvre reste dilué
dans le trouble de l’horizon. Depuis Ar Gwern, la pointe de
Guern, les falaises sont couvertes de champs cultivés : des
champs de soja, de blé ou d’autres céréales.
La dénivelée est beaucoup plus douce que les jours passés.
Nos marcheuses et nos marcheurs ont un pas tranquille. Sans doute
les conversations vont-elles bon train !? Sur la plage de Trez Bellec
tout le monde enlève ses chaussures et les attache à
l’épaule, la grève se traverse les pieds dans
l’eau
Certains ont pris la précaution de s’enduire copieusement
de crème solaire. Avec l’eau et le sable sous le soleil
il faut se protéger ! Fait Cathy avec un air entendu ! Quel
plaisir de faire gicler l’eau à chaque pas. Au bout de
la plage les marcheurs s’assoient sur une rampe de ciment pour
s’essuyer les pieds et remettre les chaussures. Ils sortent
du sac leurs biscuits, s’échangent les palets bretons,
les sablés. Ils devisent gaiement des jours où ils étaient
à la peine à monter et dévaler les falaises interminables
jusqu’au niveau de la mer. Ce sont des baroudeurs à présent
! Leur peau est halée par le soleil et le vent de la mer chargé
de sel et d’iode.
Les quelques falaises et les quelques champs à traverser jusqu’à
la descente de Pentrez sont vite avalés. On va boire un coup
à Pentrez ! Non ! Non ! On doit d’abord aller jusqu’au
camping ! Mais c’est toute la plage à traverser ! Elle
est interminable ! Elle se prolonge jusqu’à Lestrevet.
Où est le camping ?! Là, là, le panneau indique
le chemin à suivre. C’est à l’intérieur
des terres ! Tiens, tiens, nos baroudeurs ont une petite mine harassée
maintenant. En plein champs une route sans fin mène à
un domaine agricole reconverti en centre de vacances : mobil homes,
maisons d’hôtes, piscine…
Allons ! On va faire une bonne douche et nous revoilà tout
fringants !
Au dîner
:
Tartine aillée au fromage et à la tomate
Rôti de porc aux oignons
Gratin dauphinois
Far aux pruneaux
Cotes du Rhône
De la colline où
est perché le camping on voyait l’océan sourdre
entre les falaises, au dessus des champs.
Dimanche 11
juin : Les Korrigans
Le chef a dit ; On part tôt ce matin car il faut être
à Douarnenez en début d’après midi ! Le
ciel est gris et les nuages sont diffus. On retraverse les champs
jusqu’à la plage de Lestrevet. Le sentier côtier
comporte beaucoup de détours, il y a des passages dangereux
dus aux éboulis des parois des falaises. Des escaliers sont
taillés dans la roche et épousent les mouvements du
terrain. La mer est d’un gris plombé. Une barque de pêche
non pontée traverse l’anse. La lande est toute terne
comme si les korrigans avaient éteint les lumières cette
nuit. Les fleurs dorment encore ! Dit Nicole, alors que les fleurs
d’ajonc et de bruyère sont recroquevillées dans
leur corolle.
On traverse directement la grève de Ste Anne, la marée
basse nous épargne de la contourner. Sur la plage de Trefentec,
devant les randonneurs Douarnenez surgit de la mer ! Ce faisant, sans
quitter la ville portuaire des yeux, nous perdons presque le chemin.
Il fait un lacis étrange jouant entre le sable et les rochers.
On scrute les falaises, les buissons accrochés aux versants
essayant d’imaginer le passage possible du GR et essayant de
gagner quelques mètres. Mais la randonnée est une école
de patience et d’humilité gouvernée par notre
propre lenteur de marcheur. Ce n’est qu’au bout de nos
pas qu’enfin nous voyons si nous ne nous sommes pas égarés.
Kenavo !