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Vendredi 3 juin : Ajoncs et genêts

Aucun souffle d’air ne balaye la pointe du Grouin. Le sol est pourtant couvert d’ajoncs comme ratatinés par la violence des vents. Le soleil bataille sans relâche contre les nuages immobiles. De belles éclaircies transpercent par instants le plafond cotonneux. Le sémaphore de la Marine Nationale veille sur le chenal entre la pointe et l’île des Landes, et sur la haute mer.
De ce secteur partent tous les quatre ans les voiliers de la ‘route du rhum’ créée en 1978 par Michel Etevenon.

Regarde le Mont par-dessus l’île. Dit Anne-Marie L. On distingue un triangle grisâtre dans la brume légère de l’horizon. C’est pour après demain ! Saint Michel attend nous ! Nous sommes les randonneurs pèlerins.
Le GR34 que nous suivons en file indienne décrit un tracé très vallonné, c’est un sentier littoral bordé de fougères qui serpente surplombant une mer aussi verte que bleue. On découvre de nombreuses criques, parfois encadrées par des troncs de pins. Les bateaux dansent amarrés à leurs bouées à l’abri dans ces ports naturels. Ça et là des digitales attirantes et fatales dressent leur exclamation au dessus des buissons.
Le soleil devient plein d’ardeur, la lumière est plus vive. Nous pique-niquons à Port Briac. Des randonneurs font la sieste sur le parapet de la plage. Quelques mouettes solitaires planent paresseusement en rond au dessus de la baie. Avec au loin le triangle grisâtre du mont omniprésent.

De belles maisons de granit aux volets bleus, bordées d’hortensias naissants sont bâties en bordure du sentier. Des buissons de genêts se dressent à l’orée de Cancale. C’est Annie qui explique la différence entre ajoncs et genêts. Votre scribouillard s’y trompait totalement, confondant le longiligne mot ‘jonc’ contenu dans ajonc. Les genêts sont souples et élancés, tout le contraire des ajoncs ramassés et épineux. En contrebas des falaises les parcs à huîtres émergent à demi de la mer sur une vaste étendue. Le chemin descend en zigzags jusqu’au quai du port.

Quels sont ces oiseaux ?! Dit Michael en montrant d’étranges volatiles picorant le rivage. Il faut les observer aux jumelles : on leur voit des lisérés orange, ce sont des tadornes de belon. Ce sont de beaux oiseaux conclut Michael.

Le sentier s’enfonce dans des sous-bois, des petits lapins détalent à notre approche. Soudain le vent se lève, des nuages noirs s’amoncellent et tombent des gouttes prémonitoires. Vite sortons les capes et les GoreTex ! Un grain brutal nous inonde. L’herbe trempée fouette les jambes nues des randonneurs rêveurs en shorts. Le soleil breton revient vite mais le temps s’est rafraîchi.

On longe maintenant le rivage en deçà des bourgades : St Benoit-des-ondes, Vildé-la-marine, Hirel. Nous marchons sur le sable instable et les coquillages crissant. La mer est loin à notre gauche. Des moulins en ruine, ou retapés scandent le front de la digue. Sur des plaques de vase poussent des salicornes, petites lancettes hérissées en buissons. Croquez en quelques unes, c’est délicieux comme du concombre. Il faut encore franchir des champs d’herbus pour rejoindre Le Vivier-sur-mer, traverser la bourgade tout au long pour arriver à notre hôtel le ‘Beau Rivage’. On a faim !

Au dîner : Petit feuilleté de pétoncles
Saumon grillé ‘Beau Rivage’
Ile flottante

Et le croyez-vous ? Tout le monde va au lit !

 

 

 

 

 

 

 

Samedi 4 juin : Les chemins de traverse

De bon matin par les petites routes, les randonneurs vont vers le Mont Dol qui surgit comme une excroissance au milieu des champs. Ces champs sont de vastes étendues de terre sablonneuse, laiteuse. De nombreux petits lapins s’enfuient en tous sens. Ça se reproduit bien. Dit Cathy d’un air finaud.
Le temps est nuageux, le soleil semble avoir perdu la bataille aujourd’hui. On escalade avec courage et intrépidité le chemin raide vers le sommet du mont. Notre Dame de l’espérance perchée en haut de la tour nous regarde avec bienveillance.
« Prends le temps de partager
C’est le secret du bonheur
Prends le temps de rêver
C’est l’avenir qui en dépend »
Ces strophes écrites pour les visiteurs dans la chapelle, est-ce pour les pèlerins téméraires ? Pèlerin vient d’un mot latin signifiant ‘voyager à travers les frontières’. Du regard nous parcourons toute l’étendue qui s’offre autour du mont Dol : Le Mont St Michel, la mer, les prairies, les maisons et les polders.

Dol de Bretagne est une jolie ville avec des maisons à colombage et une cathédrale St Samson du XIIIe siècle. A l’intérieur de la cathédrale existe un magnifique ‘Christ aux outrages’, statue de bois peint qui est une représentation rare du Christ. Il est assis torturé, avec toute la douleur du monde sur son visage.
C’est là seulement que j’ai pu admirer une statue de ce genre, dit Anne-Marie L.

Samedi est jour de marché à Dol, les rues regorgent d’étalages colorés ; maraîchers, traiteurs, charcutiers et crêpiers. On en profite pour goûter aux produits locaux.
Châteaubriant qui allait au collège de Dol de 1777 à 1781, écrivait : « On nous menait souvent à une petite montagne isolée au milieu des marais appelée mont Dol. Du haut de ce tertre isolé l’œil plane sur la mer et sur les marais où voltigent pendant la nuit, des feux follets ».

Nous sortons de Dol par la rue du vivrais pour traverser les marécages, ce n’est pas l’heure des feux follets, et il n’y a presque pas d’eau dans les canaux qui sillonnent la campagne. Mais on entends les grenouilles « Croa, croa ! » me dit Nicole. De brèves ondées suivies de vives éclaircies nous accompagnent tout au long du sentier herbeux. Des animaux vaquent à leurs occupations dans les champs attenants : vaches et veaux placides, chevaux et poulains hennissants. Puis le sentier grimpe vers les crêtes, passant par des sous-bois, par des champs encore. Derrière nous et en bas, les marais s’étendent jusqu’à la mer lointaine.

La flèche jaune bifurque vers les buissons ! S’exclame soudain Anne-marie S. Il y a un signe presque invisible, il faut prendre un chemin de traverse. Il s’enfonce dans un sous-bois touffu, la pénombre est dense, l’air moite et humide. Un rai de soleil perce la touffeur et inonde une fougère dans un halo de lumière vive.
C’est une fougère scolopendre. Dit Anne-Marie S. la perspicace ! C’est une fougère à feuilles en fer de lance. D’autres fougères à feuilles divisées, dentelées sont tapies dans le clair-obscur. On se croirait dans un monde préhistorique ! Où est le tricératops ?

A St Broladre, le chemin remonte la vallée de Riscop, des cascatelles dévalent la côte. Quelques passerelles de bois franchissent le ruisseau intrépide.

Quand nous arrivons à Roz-sur-Couesnon de braves gens nous disent de descendre jusqu’aux polders plus loin en sortie de bourgade pour trouver notre gîte ! Les randonneurs ont le moral qui prend la tangente ! Et stupeur ! Quelle splendeur ! D’un seul coup ils débouchent sur la vastitude de la baie, les polders, le Mont qui leur dit : Courage vous allez l’avoir votre bâton de pèlerin !

Les charmants hôtes de la « Fleur de Sel » nous accueillent dans leur maison des salines, retapée avec goût.

Apéritif maison: Cocktail de cidre, calva, cassis et sucre de canne.

Au dîner : Soufflé au crabe
Lotte à l’armoricaine
Far breton
Café ou thé arrosé de calva 50 ans d’âge !

 

 

 

 

 

Dimanche 5 juin : Le franchissement du Couesnon

Ce matin l’air est cotonneux, une bruine légère tombe du ciel. Le soleil a abandonné sa partie de cache-cache avec les nuages. Nous traversons les polders pour rejoindre le mont St Michel. Une promenade dit Anne-marie S. C’est vrai après les deux journées intensives, après les efforts fournis ! Le chemin défile entre les polders tracé géométriquement, rectiligne. Le sentier est bordé de tilleuls et de buissons. La terre laiteuse s’étend à perte de vue, elle est gagnée sur le sable.
Respire ça me dit Anne-marie L. en me tendant une feuille sous le nez, c’est de la menthe sauvage.
On franchit des digues, gros boudins face à la ligne de la mer, une des digues date du Moyen Age, c’est la digue de la Duchesse Anne. D’autres digues maintenant la dépassent.

Le Mont grandit au fur et à mesure que nos pas se mettent dans les pas de l’Archange. Tombelaine à la gauche du Mont lui tient compagnie. Attention ! Un homme debout sur son Quad nous croise. Ce n’est pas un plaisantin, il court regrouper ses moutons dans les prés-salés, c’est un berger.

Quand les randonneurs atteignent le Couesnon, la Bretagne finit là, il faut le franchir.
Le Mont attire comme un aimant, aimant.
Oui, on a gagné notre bâton de pèlerin.
St Michel Archange vois enfin les randonneurs à tes pieds !

Mis à jour le 11 Octobre 2005

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